Fer de lance de l’économie française, le luxe est sur une autoroute de croissance depuis 20 ans dans un contexte socio-économique porteur. Cette année, le secteur montre quelques symptômes d’affaiblissement : une demande fragilisée et un “pricing power” moins fort. 2021 est-elle une année de rupture pour le luxe ? Qu’en disent le marché et les investisseurs en Bourse ? Quelles répercussions sur le cours des actions des leaders du luxe et notamment LVMH ? On vous en dit plus dans cet article.
Retour sur 20 ans de croissance accélérée des acteurs du luxe
Pour nos acteurs du luxe en France, Hermès, LVMH et Kering, ce furent 20 années d’euphorie pendant lesquelles toutes les forces jouaient en leur faveur. D’une part, la demande au niveau mondial était en hausse et bien répartie géographiquement à travers toutes les économies modernes : l’Europe, les États-Unis et l’Asie-Pacifique plus récemment. D’autre part, les classes moyennes, avec plus de pouvoir d’achat, se sont développées dans des régions à forte démographie (comme la Chine), donnant des conditions idéales pour une croissance durable.
La croissance du luxe était donc soutenue, saine et régulière. Les acteurs du luxe ont surfé sur le développement des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) pour créer des empires financiers et industriels, avec parfois jusqu’à 60 marques sous un même toit comme LVMH qui pèse aujourd’hui 312 milliards d’euros de capitalisation boursière et plus de 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires. En 2002, le chiffre d’affaires de LVMH s’élevait à 12 milliards d’euros et la capitalisation boursière à 19,2 milliards d’euros, soit 15 fois moins !
Peut-on donc considérer que tout va bien ? Pas totalement.
Des faiblesses structurantes font leur apparition sur le marché du luxe
Une baisse de la demande en produits de luxe
La demande sur le secteur du luxe présente des symptômes d’affaiblissement. Notons dans un premier temps que, même s’il est toujours en croissance, le marché du luxe est en perte de vitesse en Europe, avec une nette décélération liée à la crise du COVID. Le marché a perdu cette répartition géographique saine de ses moteurs de croissance. Aujourd’hui il ne s’adresse principalement qu’à une cible : le trentenaire chinois vivant dans une grande métropole de Chine continentale. Ainsi, la demande autrefois équilibrée s’est-elle concentrée en un seul foyer : la Chine. Elle représentait en 2019 près de 40 % du marché mondial, et il est prévu que la Chine pèse pour plus de 60 % du marché mondial dans les 5 prochaines années.
Or, cet été, Xi Jinping a présenté la nouvelle ligne directrice de sa politique économique : « prospérité commune ». Ce tournant socialiste du gouvernement chinois risque de fragiliser la demande avec notamment au programme plus d’imposition, meilleure redistribution des revenus et plus d’équité dans l’économie. Dans ce contexte, les analystes se montrent prudents. À la suite des annonces de Pékin cet été, JP Morgan a déclaré : « Nous reconnaissons que cela représente un risque supplémentaire pour la forte reprise observée dans le secteur jusqu’à présent et nous surveillerons (…) la sensibilisation accrue des consommateurs à l’égard de la démonstration de richesse (bien que ce dernier point se soit avéré transitoire par le passé en raison de l’appétit tenace des consommateurs chinois pour les produits de luxe) ».
Perte de spécificités et de “pricing power” des entreprises du luxe
En se concentrant sur un seul type de consommateur et de marché, les entreprises du luxe perdent leur spécificité qui ont fait leur différence pendant des années. Elles deviennent de ce fait moins désirables et perdent leur “pricing power” : la capacité à monter le prix des collections sans réduire la demande.
Ce phénomène réduit les barrières à l’entrée pour les nouveaux acteurs avec une offre innovante. Il est possible que des “LVMH locaux” apparaissent sur les marchés principaux comme la Chine, au même titre que la Chine a développé ses propres réseaux sociaux (comme TikTok).
Luxe : que dit la Bourse et le marché ?
Ces symptômes de fragilisation du moteur principal de croissance ne sont que partiellement pris en compte par les investisseurs en Bourse. Même si les valeurs du luxe avaient chuté vers la mi-août lors de l’annonce de l’intention du gouvernement chinois d’œuvrer à une meilleure répartition des richesses, le marché global du luxe est en hausse sur l’année.
Par exemple, l’indice MSCI Europe Textiles, Apparel and Luxury Goods qui se concentre sur les entreprises européennes du luxe gagne près de +20 % depuis le début de l’année (au 31 août 2021). L’action LVMH est en hausse de 22 %, l’action Kering de 6 % et l’action Hermès de 40 % depuis le début de l’année 2021. Ainsi, les valorisations sont-elles au plus haut pour nos géants du Luxe : l’action LVMH pèse 312 milliards d’euros de capitalisation boursière, l’action Kering 79 milliards d’euros et l’action Hermès 133 milliards d’euros, ce qui représente 524 milliards d’euros à elles trois, soit plus de 25 % du CAC 40 !
Nous analysons le cours de bourse du géant du luxe LVMH ci-après.
Analyse graphique du cours de l’action LVMH en Bourse
Source : Café de la Bourse, graphique construit sur IG, données à titre indicatif
L’action LVMH est en croissance de 22 % sur l’année 2021, avec une progression continue de janvier 2021 au 15 août 2021 de 39 %, puis deux corrections : -13 % entre le 16 et 19 août (ellipse noire sur le graphique) et -5,5 % cette semaine du 13-15 septembre (ellipse bleue sur le graphique). Ces deux baisses correspondent respectivement aux annonces du gouvernement chinois, puis à une baisse générale du marché associée à la publication d’un avis défavorable des analystes d’Alpha Value sur l’action Kering et l’action LVMH.
Du point de vue technique, la baisse est plutôt une baisse à court terme : le cours de bourse de l’action LVMH évolue sous sa moyenne mobile à 20 jours (en vert sur le graphique). La MACD est en territoire négatif et est en position pour croiser sa ligne de signal vers le bas. Le prochain niveau de support est la zone des 589 €. En cas de rupture à la baisse, le prochain niveau se situe à 532 €.
Faut-il encore investir dans le luxe ?
Les planètes ne sont plus alignées pour le luxe : la demande décélère, les spécificités des maisons s’érodent et les valorisations en Bourse sont encore très hautes. Tout cela paraît peu soutenable et il est probable que le marché adapte ses positions en fonction de la nouvelle réalité du secteur. En outre, dans le cas de l’action LVMH par exemple, la configuration technique est en faveur d’une baisse. 2021 semble bien être une année pivot pour le secteur du luxe.
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Sources des images : Freepik
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