Le bras de fer entamé cet été par Veolia pour acheter Suez a tourné à la confrontation hostile le dimanche 8 février. Après des mois de tergiversation et d’indifférence du conseil d’administration de Suez, le champion du traitement de de l’eau et des déchets Veolia met fin au process amical pour passer à l’offensive. Veolia a lancé une offre d’achat directement aux actionnaires de son rival pour prendre le contrôle de 100 % de la société le lundi 9 février. Découvrez les dessous de cette confrontation en Bourse entre deux géants industriels français, le rôle et l’attitude du régulateur, les suites à attendre de ce feuilleton qui dure.
Retour sur l’affaire Suez Veolia : de la proposition amicale à l’hostilité manifeste
C’est à la fin de l’été 2020 que tout commence. Véolia propose à Engie – qui avait précédemment communiqué sa volonté de céder des actifs non stratégiques – de racheter ses 29,9% de parts dans Suez, à 15,5 € par action. À la suite de ce rachat, le groupe annonce souhaiter lancer une offre d’achat amical sur les actions restantes afin de créer un champion mondial du traitement de l’eau : un secteur où la taille permet de mobiliser les ressources nécessaires aux investissements.
Dès lors, Suez s’insurge et dénonce le caractère hostile de la manœuvre de Véolia, destinée à prendre le contrôle de Suez. Suez cherche des solutions alternatives pour que Veolia ne s’empare pas des 29,9 % de son capital détenu par Engie et se tourne notamment vers le fonds d’infrastructure d’Ardian qui pourrait l’acquérir à la place de Veolia. Engie, de son côté, revoit le prix des titres de Suez à la hausse.
L’offre de Véolia est finalement acceptée le 5 octobre 2020, au prix de 18€ par action, avec quelques garanties : Veolia s’engage à ne déposer une OPA auprès de Suez qu’après validation des conditions par le conseil d’administration de Suez. De plus, Meridiam (qui s’engage à conserver tous les emplois) achètera les activités de Suez liées à l’eau en France, dans un souci de politique « antitrust ».
Entre les mois d’octobre et janvier, le conseil d’administration de Suez demande des précisions sur les modalités de l’OPA que Véolia souhaite déposer : le groupe craint un « démantèlement » et est convaincu qu’il peut se développer seul de son côté et saisir à l’avenir d’autres potentielles opportunités qui seront plus avantageuses pour lui qu’un mariage avec Véolia.
Veolia présente l’offre définitive publiquement le 7 janvier 2021. Suez, de son côté (encore une fois), cherche une offre alternative par le biais d’Ardian et GIP (Global Infrastructure Partner). Mais cette offre n’arrive pas. Las des indifférences et de la tergiversation du conseil d’administration de Suez, Veolia passe à l’offensive le dimanche soir en renonçant à sa promesse d’offre amicale et en annonçant qu’il déposera une OPA (offre publique d’achat) le matin suivant, au prix de 18 € par action, comme annoncé publiquement depuis le mois d’octobre.
Le Tribunal de commerce de Nanterre, l’AMF et Bruno Le Maire s’invitent dans le débat
À la suite de l’annonce de Véolia le dimanche soir, Suez saisit immédiatement le Tribunal de commerce de Nanterre, dénonçant un manquement des engagements d’amitié.
Lundi matin, alors que Veolia avait officiellement déposé son offre auprès de l’AMF, et après une nuit de travail, le tribunal la suspend via ordonnance, affirmant que toute offre doit nécessiter l’approbation du Conseil d’administration de Suez et qualifiant donc l’offre de Véolia “d’hostile”.
Veolia argue du fait que l’ordonnance a été reçue après le dépôt de l’offre (7h00 et 7h23) et n’est donc pas valable.
Comme à chaque fois – c’est notre capitalisme “à la française”- Bruno le Maire intervient : il annonce qu’il saisira l’AMF et dénonce également sur Europe 1 un manquement aux engagements d’amitié et également un manque de transparence dans la démarche. Il a invité les deux parties à reprendre le dialogue rapidement.
Que peut-il se passer pour Suez maintenant ?
Dans un premier temps, Il s’agira de déterminer si l’OPA est valable ou non. L’AMF a été saisie pour arbitrer sur la validité de l’offre. Bruno Le Maire se positionne plutôt du côté de Suez, affirmant qu’une telle offre ne peut réussir que si elle est amicale. Les instances judiciaires vont donc prendre la relève, pour juger du caractère amical ou hostile du dépôt de l’offre, au cours du prochain mois.
Bertrand Camus, Directeur Général du Groupe Suez, défend un projet alternatif en demandant l’aide de ses actionnaires Ardian et GIP. Selon lui, il est important de conserver deux acteurs dans l’eau, afin d’éviter un projet “inutile et destructeur”. Une offre de surenchère des fonds GIP et Ardian pour l’acquisition des actions Suez était déjà attendue courant janvier.
Si finalement la validité de l’offre de Véolia était retenue, Suez pourrait avoir recours à des mécanismes nommés « pilules empoisonnées”. Ce sont des clauses qui permettent de modifier ses contrats dans le cas d’une OPA hostile afin de porter préjudice et dissuader l’acquéreur.
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