Cotées en France, les valeurs du CAC 40 affichent cependant des actionnariats majoritairement étrangers. Manque de moyens et de confiance chez les investisseurs français figurent parmi les explications.
43%, c’est la part de capital des entreprises françaises détenue par des investisseurs étrangers en 2013. Le chiffre atteint même 50% pour les sociétés du CAC 40 en avril 2014. Cette évolution reflète l’internationalisation accélérée depuis les années 1990 de ces grandes entreprises, qui réalisent en moyenne 70% de leur chiffre d’affaires à l’étranger. En 1995, le taux de détention du capital de ces sociétés par les investisseurs étrangers ne dépassait pas 25%.
Ce sont les plus gros investisseurs – fonds de pension, fonds d’investissement, fonds souverains, entreprises – qui pèsent le plus lourd dans l’actionnariat des sociétés françaises. Le fonds souverain norvégien, chargé de faire fructifier les milliards de couronnes issues de l’exploitation du pétrole national, est devenu un actionnaire incontournable des valeurs françaises, au point d’influencer directement leur activité. Il est par exemple le quatrième actionnaire de Total et a entamé une vérification des agissements de Total au Sahara occidental qui, si elle n’est pas éthiquement concluante, conduira à l’exclusion de Total du portefeuille du fonds. Autre investisseur fort actif en France, le fonds souverain du Qatar, devenu notamment le premier actionnaire de Total, mais aussi présent au capital de LVMH, Vivendi, Lagardère ou encore Vinci.
Une place laissée vacante par les investisseurs français
Si les investisseurs étrangers sont en mesure d’entrer au capital des grandes entreprises françaises, c’est non seulement parce qu’ils en ont les moyens, mais parce qu’une place croissante leur est accordée. Tout d’abord, nombre d’entreprises ont cherché à revendre des actions pour faire face à des restructurations d’activité et à la concurrence accrue en temps de crise et de mondialisation depuis les années 1990. En outre, la France, si elle a créé le Fonds de Réserve des Retraites, ne possède pas de grands fonds de pension et ne peut elle-même investir dans les sociétés nationales. De plus, les institutions bancaires ou d’assurance, traditionnellement des investisseurs actifs, ont tendance depuis quelques années à réduire la part de leurs investissements en actions du fait de nouvelles réglementations européennes (Solvency II, Bâle II, etc.). Enfin, l’Etat s’est désengagé du tissu industriel, lui aussi confronté à de lourdes difficultés budgétaires. Et si les quelques entreprises – EDF, GDF-Suez – où il reste encore présent semblent en mesure de mieux résister à ce grignotage capitalistique, elles sont peu nombreuses.
Des investisseurs particuliers découragés
Pour ce qui concerne les investisseurs particuliers, la présence au capital des entreprises françaises ne fait elle aussi que décroître. Après avoir atteint 25% en 1995, celle-ci est retombée à 10% environ en 2013. L’éclatement de la bulle Internet a certainement freiné l’enthousiasme des investisseurs en actions, de même que la crise financière puis économique débutée en 2008. Plus spécifiquement à la France, une autre explication possible réside dans le manque de confiance des investisseurs français dans leur pays au sens large : institutions, représentants politiques et entreprises. En l’absence de perspectives, pourquoi investir ?
Le développement de nouveaux marchés, en termes de zones géographiques (pays émergents d’Asie, d’Amérique, d’Europe) et de classes d’actifs (engouement pour le forex et le trading sur des centaines d’instruments financiers tels que les CFD, les options, etc.), mais aussi l’attachement croissant des Français à l’assurance-vie et aux placements sans risque peuvent aussi constituer d’autres parties de l’explication.
Ainsi, le financement de l’économie française a beau reposer essentiellement sur l’épargne des ménages, dont le taux d’épargne reste d’ailleurs assez élevé à 16% du revenu disponible en 2012, la croissance des besoins de financement de l’Etat comme des entreprises a engendré un appel élargi au financement par les non-résidents, qui représente au total environ 30 Mds€ par an. C’est ce qui explique la motivation des pouvoirs publics à développer l’épargne des Français et à l’orienter vers son tissu d’entreprises : création du PEA-PME, des fonds Euro-Croissance. Mais pour ce qui concerne le CAC 40, le sort en semble déjà jeté.
Nadège Bénard
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