L’année dernière, les prix du blé ont augmenté de 77%, et le riz 16%. Ce sont parmi les hausses les plus brutales que l’on n’ait jamais enregistrées. Depuis Janvier 2008, le cours du riz a grimpé de plus de 100%, tandis qu’une autre variété de blé a enregistré une hausse de 25% en une journée.
Quelles sont les causes de la hausse des prix des céréales ?
Les cours actuels sont principalement le reflet de changements de la demande, pas de l’offre. Ces causes sont à la fois structurelles et conjoncturelles.
Mauvaises récoltes et accidents
Sur les huit dernières récoltes mondiales (2000 à 2007), sept ont été déficitaires, et la consommation dépasse donc la production. Plusieurs pays ont subi récemment des accidents climatiques: sécheresse en Australie, typhon au Bangladesh, hiver plus froid que d’habitude en Chine et au Vietnam sont à l’origine de mauvaises récoltes.
Résultat: plus de demande, et moins d’offre; une forte augmentation de la demande dans les pays importateurs, comme le Bangladesh, pour le riz, ainsi qu’une baisse de l’offre de gros pays exportateurs, comme l’Australie, pour le blé.
Les Chinois et les Indiens ont changé leurs habitudes alimentaires
Les pays émergents, fortement peuplés, mangent de plus en plus comme dans les pays industrialisés. L’Asie est passée de 2150 kcal/pers./jour en 1970 à près de 2800 kilocalories en 2000. Et le continent mange également plus de viande qu’auparavant.
En 1970, les calories d’origine animale représentaient moins de 5% des calories totales consommées en Asie. Trente années plus tard, cette part a atteint 11,7 %. En parallèle, il faut en moyenne sept calories d’origine végétale pour produire une calorie animale.
Sachant que les céréales forment une grosse partie de l’alimentation des animaux, une hausse de la consommation de viande se transmet donc mécaniquement au marché des céréales.
Anticipation auto-réalisatrice
Pour amplifier le phénomène, quelques pays exportateurs et les brokers en céréales ont anticipé une hausse des prix, en limitant les mises sur marché. En effet, il vaut mieux attendre un peu et vendre lorsque les prix seront encore plus hauts !
Hausse du cours du pétrole
Le pétrole est un paramètre clé dans l’agriculture, en particulier dans les pays industrialisés, où elle est fortement mécanisée. On y utilise également beaucoup d’engrais, eux-mêmes fabriqués à partir de dérivés de pétrole.
En parallèle, et plus simplement, la hausse du prix du baril se répercute aussi sur le prix du transport, de l’irrigation par pompage et sur le processus de transformation agro-alimentaire. En fin de chaîne, la hausse du prix du brut entraîne donc une hausse du coût de production des produits agricoles et agro-alimentaires.
Face à ce phénomène, il deviendra de plus en plus important pour les agriculteurs de trouver des procédés de récolte, de transformation et de transport plus économes en énergie.
Biocarburant, un coupable presque parfait
On a beaucoup accusé les biocarburants d’aggraver la crise en prenant la place des cultures à destination de l’alimentation, à tort.
Une étude conjointe de prospective du Cirad et de l’Inra montre que sur le total des calories végétales produites dans le monde, moins de 5 % est destinée à des fins non-alimentaires, dont font partie les biocarburants. En comparaison, 55% du total est destinée à l’alimentation, et 30% à l’alimentation des animaux.
Une autre étude, de l’Agence internationale de l’énergie montre qu’en 2005, seulement 1 % des terres cultivées servaient à fabriquer des biocarburants, remplaçant 1 % de notre consommation mondiale de pétrole et de gaz.
La vérité n’est donc pas à trouver dans la situation actuelle, mais plutôt dans les anticipations des spéculateurs.
Spéculation sur les produits agricoles
Ce n’est donc pas une hausse réelle mais plutôt l’anticipation de la hausse de l’utilisation des céréales pour les biocarburants qui a produit la flambée actuelle.
Et il y a matière à faire de telles anticipations. A l’heure actuelle, 10% de la production de maïs aux USA est transformée en biocarburant, et cela pourrait monter à 30% d’ici à cinq ans. Ca correspondrait à la totalité des excédents exportables de maïs américains.
Et ce n’est pas tout. L’Union européenne s’est elle aussi fixé un objectif d’utilisation de 10% de carburant végétal dans la composition des carburants en 2020.
Dans le contexte de crise immobilière et de chute du dollar, les fonds d’investissement et les hedge funds cherchent à investir leur cash dans un produit épargné par la crise. Les produits agricoles sont un candidat idéal.
Conclusion
Une crise alimentaire survient lorsqu’une guerre éclate ou qu’il y a eu une mauvaise récolte, et touche souvent les plus pauvres. Le monde en a connu de nombreuses, mais celle-ci est différente. Cette crise alimentaire touche de nombreux pays simultanément.
Une réponse rapide à la crise serait d’augmenter la surface cultivée. Mais à court terme, la surface de terres cultivables est limitée.
Pour produire plus dans l’industrie, on ouvre les robinets plus grands ou on fait fonctionner l’usine la nuit. L’agriculture, elle, n’a pas de robinet. Il faut semer, cultiver, entretenir et récolter. Et cela prend du temps. Il faudra encore quelques bons mois, voire quelques années, avant que ne se crée un nouvel équilibre.
La transition vers ce nouvel équilibre sera plus longue, plus coûteuse et plus douloureuse qu’on ne s’y attendait.
Pensez-vous que ça va se calmer ? Ou faut-il faire des stocks de Cheerios tant qu’ils sont abordables ?