« Le changement, c’est maintenant ». Le slogan de campagne de François Hollande n’est pas forcément du goût des marchés financiers. Car dans un climat économique aussi instable, les investisseurs préféreraient la continuité à un changement politique.
C’est surtout avec son discours au Bourget le 22 janvier dernier que François Hollande s’est attiré les foudres de la communauté financière, en s’en prenant à la finance « qui a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies », et la qualifiant « d’emprise devenue un empire ». Des paroles qui pourraient rendre les marchés encore plus méfiants à son égard.
Revenir à la retraite à 60 ans
Le retour de la retraite à 60 ans (dans le cas d’une cotisation de 41 ans) qui coûterait 2,5 milliards d’euros sur cinq ans, selon le PS (évaluée par l’UMP à 7,5 milliards d’euros sur la même période). Même si elle était financée par l’augmentation des cotisations vieillesse, cette réforme serait un retour en arrière.
Recruter des fonctionnaires
« Je créerai en cinq ans 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation ». C’est ce qu’annonce François Hollande dans son programme mais l’augmentation des effectifs de la fonction publique effraie également les marchés. Elle vient s’ajouter à la résurrection des emplois jeunes (en 2012 emplois d’avenir) mis en place sous Jospin et qui, depuis 2002, disparaissent petit à petit.
Avec un coût estimé à 4,6 milliards d’euros, cette mesure devrait être financée par la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires mais demanderait sûrement, à terme, d’autres moyens de financement.
Rénégocier le pacte de stabilité européen
La renégociation du traité européen du 9 décembre 2011 n’est pas pour rassurer les marchés. Une telle renégociation serait source d’incertitude, chose que les marchés redoutent plus que tout.
François Hollande souhaite y ajouter un pacte de « responsabilité, de gouvernance et de croissance », en augmentant les prêts de la Banque Européenne d’Investissement, en proposant des obligations européennes et en instaurant une taxe sur les transactions financières.
Le dimanche de l’élection, l’Allemagne, par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères a fait savoir qu’ils allaient se « mettre rapidement au travail pour ajouter au traité budgétaire un pacte de croissance pour plus de compétitivité ». Une bonne nouvelle donc pour François Hollande qui évoquera ses propositions lors du sommet informel des chefs de gouvernements de l’UE, le 31 mai prochain.
De quoi les marchés ont-ils peur ?
Les marchés financiers craignent par-dessus tout une dégradation des finances publiques françaises, qui surviendrait non seulement à cause des mesures promises par François Hollande, mais aussi à cause de l’absence de mesures concrètes pour diminuer les dépenses et relancer la croissance économique.
Le nouveau Président devra, pour rassurer les marchés, justifier le financement complet de toutes ses réformes.
Comment les marchés réagiraient-ils à ces mesures ?
Vente massive des obligations du Trésor français par des investisseurs inquiets de la solvabilité de l’état français.
Dégradation de la dette française par les agences de notation
Les agences de notation attendent le résultat des élections présidentielles pour une éventuelle dégradation de la dette souveraine française, de AA+ à AA-. Cela contribuera à une hausse des taux d’intérêts que l’Etat français devra payer pour financer son déficit budgétaire.
Envolée des taux d’intérêts d’emprunt
Difficile d’imaginer que la France conserve des taux d’intérêts aussi bas (actuellement 2,93% pour des obligations à 10 ans), alors que l’Italie et l’Espagne affichent respectivement des taux d’intérêt de 4% et 6%. Sans mesures concrètes, la France devrait se voir appliquer un taux d’intérêt similaire à celui des ses voisins méditerranéens.
Le rôle de l’Espagne et de l’Italie
Les agences de notation sont toujours dans l’attente d’améliorations significatives de la situation économique de l’Italie et de l’Espagne. L’interdépendance qu’il subsiste entre ces pays et la France (notamment avec les échanges commerciaux), jouera un rôle prépondérant dans le redressement ou la chute de la France et de la zone euro. De plus, les investisseurs semblent inquiets de l’avenir de l’alliance Franco-allemande, pilier de la lutte pour la survie de l’Euro et tenant essentiellement au couple Sarkozy-Merkel.
Mais François Hollande aura à faire face à de nombreuses autres difficultés durant son quinquennat
Car pour financer ses mesures, il compte évidemment sur un retour d’une croissance significative. Alors que le nouveau Président de la République table sur une croissance d’environ 1,7% en 2013, le FMI l’annonce aux alentours de 1%. Une estimation qui pourrait peser sur l’attitude des acteurs des marchés financiers.
Il devra également faire face à l’augmentation du chômage, au plus haut depuis 1999 et qui n’offre aucune perspective d’évolution positive à court terme.
Pour les marchés, de nombreuses incertitudes entourent le programme de François Hollande. Moins favorable à une politique d’austérité, le Président de la République devra rapidement faire ses preuves pour convaincre les marchés et regagner leur confiance. Et comme un avertissement, la Bourse de Paris ouvrait en nette baisse au lendemain de l’élection (-1,57%). Une baisse imputée qu’en partie aux présidentielles française car les élections grecques de ce week-end ont permis à la gauche radicale, opposée à l’accroissement de l’austérité, de briguer la moitié des sièges du Parlement.
Après avoir instauré la semaine de 39 heures, accordé la cinquième semaine de congés payés dans les deux premières années de son mandat, François Mitterrand avait fini par instaurer la rigueur budgétaire. Le vainqueur de l’élection 2012 n’aura pas autant de temps pour réagir. Quoi qu’il soit, ces premiers mois de mandat pour François Hollande seront décisifs.
Jérémy Lemière