Malmenées par la crise financière et aidées, en Europe, par des Etats aux abois, les banques souffrent encore d’un défaut de confiance et de cours de Bourse au rabais. Cette décote fait le bonheur des investisseurs.
Accusées d’irresponsabilité voire de malversations depuis la crise des subprimes, les banques ont vu leurs cours s’effondrer particulièrement entre 2008 et 2011. Ce mouvement de défiance a entraîné l’ensemble du secteur de par le monde, y compris les institutions restées à l’écart des subprimes.
Certains gérants de fonds de placement, notamment chez Quilvest Gestion, considèrent qu’il est encore trop tôt pour se repositionner massivement sur les valeurs bancaires. Ils préfèrent attendre la fin de l’Asset quality review (AQR) ou revue de la qualité des actifs mise en oeuvre par la Banque centrale européenne (BCC) et l’Autorité bancaire européenne (ABE), qui va contraindre les banques à réaliser des augmentations de capital, ainsi que les dernières purges sectorielles, attendues notamment en Espagne.
L’atout des banques françaises
La majorité des professionnels de la finance considère cependant que les banques ne peuvent plus être négligées dans une allocation en actions. Olivier Baduel, responsable de la gestion stock picking chez Amundi, révèle même avoir opéré un retour sur les valeurs bancaires traditionnelles – hors banques d’investissement – dès la fin 2011. Au sein du secteur, le spécialiste affirme avoir surpondéré essentiellement les banques françaises en 2012 et 2013 : “celles-ci bénéficiaient, et encore aujourd’hui, de valorisations attractives et d’une sensibilité moindre à l’environnement économique. La France n’a pas connu une hausse significative de la sinistralité sur le secteur, contrairement aux pays d’Europe du Sud. De par l’activité de crédits immobiliers octroyés en fonction des revenus des emprunteurs, les banques françaises n’étaient pas aussi directement exposées, contrairement à leurs concurrentes anglo-saxonnes, à l’évolution des prix de l’immobilier sur un marché hautement spéculatif”.
Rapidement sorties des programmes d’aide de l’Etat mis en place durant la crise financière, les banques françaises se sont donc ressaisies, sans pour autant voir leurs cours de Bourse faire immédiatement de même.
Olivier Baduel juge pertinent de maintenir aujourd’hui ce biais en faveur des banques, pour des raisons à la fois macroéconomiques et réglementaires. En effet, ce sont ces deux aspects qui ont pesé sur les valeurs bancaires durant la crise. Depuis lors, la situation s’est améliorée :
- la situation macroéconomique dégradée nuisait au volume d’activité ainsi qu’au bilan des banques, par l’inscription d’importantes provisions (pour compenser les risques de perte), en particulier au sein des pays présentant des déséquilibres sur le marché immobilier et un chômage en forte hausse (Espagne, Irlande). Or les signes d’amélioration déjà visibles devraient permettre aux banques de voir leur volume d’activité progressivement augmenter et leur bilan s’améliorer (réduction des provisions).
- le renforcement des exigences réglementaires suite à la crise de 2008 a également pesé sur la rentabilité et les résultats des banques, qui ont dû fortement augmenter leurs fonds propres. Elles ont par conséquent subi une décote de prix. Celle-ci devrait désormais se réduire, dans la mesure où les banques sont majoritairement en ligne avec les exigences de solvabilité et de liquidité imposées par l’Europe (Bâle III).
Des banques européennes revigorées prêtes à profiter de la reprise, même timide, de la croissance économique.
Si certains professionnels s’avouent prudents quant au processus d’AQR des banques européennes (voir plus haut) qui pourrait secouer certains établissements, Olivier Baduel perçoit davantage celui-ci comme un facteur de confiance pour le secteur à l’échelle européenne : “ cet audit vise à harmoniser les critères d’évaluation de la qualité des actifs entre les banques des Etats membres. Ce travail doit, selon nous, conforter les investisseurs européens et étrangers dans la conviction qu’il existe un véritable système de supervision et une réelle transparence sur le secteur bancaire européen”.
Un potentiel de rattrapage de 20 à 25 %
Ne reste-t-il donc aucun élément d’incertitude ? Naturellement, si. Pour les banques comme pour l’ensemble des entreprises européennes, la première source d’incertitude à court et moyen terme réside dans la macroéconomie. Pour l’heure, l’Union européenne semble engagée dans un scénario de reprise mesurée, mais “des doutes sur la validité de ce scénario pourraient impacter très négativement les valeurs bancaires”, affirme Olivier Baduel.
Après la phase de récession traversée en Europe, les voyants ne sont pas encore tous au vert et le moindre à-coup peut nuire à la confiance des investisseurs qui tablent sur une amélioration des bilans des banques à horizon 2014-2015 : “nous sommes passés d’une situation extrêmement sombre à des perspectives tout juste positives, ce qui a conduit à une forte progression des valorisations bancaires. Un coup d’arrêt à cette reprise pourrait brutalement inverser la tendance. Les risques concernent plus particulièrement les marchés sur lesquels le rallye boursier bancaire a été le plus marqué : l’Espagne en premier lieu”.
Quelle que soit l’évolution de la conjoncture économique, le cadre qui définit désormais le fonctionnement du secteur bancaire européen induit, certes un sentiment de confiance chez les investisseurs, mais des contraintes structurelles sur les établissements. En conséquence, Olivier Baduel estime que les niveaux de valorisation d’avant-crise appartiennent au passé : “les banques supportent des contraintes de solvabilité deux fois plus fortes qu’alors et les perspectives économiques restent moins favorables”.
Le spécialiste évalue néanmoins le potentiel de rattrapage du secteur à environ 20-25 % sur un horizon de 18 mois environ.
Afin de profiter de cette tendance, il recommande une sélection de valeurs au cas par cas – stock picking – des banques présentant les meilleures perspectives de profitabilité par rapport à leur niveau de risque : “Dans nos portefeuilles d’actions européennes, les valeurs françaises sont encore surpondérées, de par un risque très mesuré et un potentiel de performance au moins équivalent à celui du secteur. Nous nous montrons plus sélectifs envers les banques italiennes et espagnoles, qui offrent un levier plus fort mais sont également plus risquées, plus sensibles aux incertitudes macroéconomiques. Des banques suisses (dont l’activité repose beaucoup sur la gestion de fortune) et britanniques (établissements internationaux) peuvent également être retenues”.
Philippe Chaumel, associé-gérant et co-responsable de la gestion chez Rothschild & Cie Gestion, croit lui aussi au potentiel du secteur, en particulier de ses représentants français : «Dans ce contexte d’assainissement de leur bilan, les banques européennes ont, dans leur ensemble, rarement été aussi peu risquées qu’aujourd’hui. En France, les titres BNP Paribas et Société Générale sont valorisés à respectivement à 0,95 fois et 0,75 fois leurs fonds propres tangibles, un niveau modeste puisqu’ils sont déjà en ligne avec les normes de Bâle III. On peut raisonnablement s’attendre à une valorisation significativement supérieure à leurs fonds propres tangibles ». Tout comme pour Olivier Baduel chez Amundi AM, la sélectivité est de mise pour Philippe Chaumel quand il s’agit de sélectionner des banques en dehors des frontières françaises. Celui-ci privilégie par exemple les banques régionales espagnoles au détriment des grands établissements nationaux.
Chez Mandarine Gestion, le secteur bancaire est également abordé avec une approche stock picking, tant les établissements peuvent présenter des situations diversement solides et évoluer en 2014 sur des marchés potentiellement volatils.
Nadège Bénard
Les informations ci-dessus sont données à titre pédagogique. Elles ne constituent en aucun cas des recommandations d’investissement. Le lecteur se doit d’étudier les risques avant d’effectuer toute transaction. Il est seul responsable de ses décisions d’investissement.