La phobie anti-libérale des Français, entretenue par les élites, ne les empêche pas de s’intéresser à la Bourse. Mais un énorme travail de pédagogie reste à réaliser pour mieux leur faire comprendre les mécanismes économiques et financiers.
Comment venir à bout de la sous-culture financière ?
A quoi sert la Bourse ? La question paraîtra saugrenue à la plupart des lecteurs d’Info(s)club habitués aux placements en actions, déjà détenteurs d’un portefeuille de valeurs mobilières en direct, ou membres d’un club d’investissement. Elle paraîtra encore plus spécialement saugrenue à ceux qui sont rompus aux mécanismes et aux pratiques des marchés financiers.
Et pourtant, il ne faut pas trop se faire d’illusions : la plupart des Français se font, aujourd’hui encore, une idée fausse, déformée ou réductrice de la Bourse. La cause en est souvent une culture économique et financière insuffisante pour en saisir l’utilité et les subtilités. Casino pour les uns, temple de la spéculation pour les autres, ce lieu virtuel d’échanges reste, pour beaucoup, réservé aux initiés, aux joueurs dans l’âme, aux gens fortunés ou à ceux qui, par avidité, veulent s’enrichir rapidement, quitte à prendre des risques inconsidérés. Le pire, c’est que tous ces clichés ne sont pas loin de correspondre à la réalité lorsque les marchés boursiers dérapent à la hausse comme à la baisse. La volatilité exacerbée des cours transforme alors les actions en savonnettes insaisissables.
Ainsi, la gravité de la crise financière internationale et la faible visibilité sur la conjoncture et la santé des entreprises cotées ont contribué à détraquer le baromètre boursier à l’échelle de la planète, en entretenant des mouvements irrationnels dus à la peur de lendemains très difficiles. De quoi faire fuir les actionnaires les plus fidèles, dégoûtés par des manœuvres souvent douteuses, des torpillages de valeurs choquants, des chutes de cours sans rapport avec les “fondamentaux” des sociétés. Dans cette tourmente générale, on en vient à oublier l’essentiel : la Bourse reste indispensable pour financer le développement des entreprises. Beaucoup de Français ne le savent même pas.
Certes, tout s’apprend. Mais l’apprentissage de l’un des rouages essentiels de l’économie de marché ne se fait pas à l’école. Et c’est bien dommage.
Notre pays n’est d’ailleurs pas à un paradoxe près : d’après un sondage réalisé il y a deux ans pour le compte de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), les trois-quarts des personnes interrogées pensaient que leur niveau de connaissances financières n’était pas suffisamment élevé pour lire la presse spécialisée, mais, ô surprise, 82 % se déclaraient favorables à l’idée de promouvoir une éducation dispensée au collège ou au lycée. Autrement dit, une grande majorité avouait ne pas s’y connaître en finance, tout en souhaitant en savoir plus pour mieux comprendre les mécanismes économiques et financiers.
Pourquoi donc rien n’a-t-il vraiment été fait jusqu’à présent, sinon à une petite échelle et avec des moyens limités, pour étancher cette soif de formation ?
C’est que la “sous-culture financière” des Français est un vrai fonds de commerce pour les élites.
Luc Périnet-Marquet, expert en communication financière, touche du doigt l’une des tares de notre pays, poussé à cultiver les idées fausses et à se nourrir de fantasmes :
“Cette ignorance laisse le champ libre aux discours démagogiques, économiquement irréalistes mais intellectuellement brillants et … électoralement rentables”,
Le mauvais exemple peut malheureusement venir d’en haut. Jacques Chirac n’a-t-il pas déclaré lorsqu’il était président de la République que “le libéralisme était aussi dangereux que le communisme” ? De tels propos et bien d’autres contre-vérités proférées à longueur d’année par des gens dits “d’influence”, de droite comme de gauche, laissent malheureusement des traces dans l’opinion. Les Français restent ainsi dans leur grande majorité hostiles à l’idée que le système de libre entreprise et d’économie de marché est le meilleur pour l’avenir alors que la plupart des Chinois s’y déclarent favorables. Comme quoi communisme rime bien avec capitalisme …
Cette phobie endémique du libéralisme dans notre pays, que la crise financière et la perversion des valeurs du capitalisme par les voyous de la finance risquent d’amplifier, n’a pourtant pas empêché les Français de se précipiter en masse mais à l’aveuglette vers la Bourse chaque fois que les cours montaient ou pour devenir actionnaires de Gaz de France, d’EDF ou de … Natixis lors de leur introduction, et pas seulement au nom du patriotisme économique. Mais un énorme travail de pédagogie et d’éducation reste à faire auprès de ceux, très nombreux, qui désirent apprendre et comprendre. Et il faudra beaucoup de temps, de moyens et de courage pour venir à bout des rigidités du système éducatif français et des réticences syndicales.
L’effondrement des marchés boursiers ne facilite certes pas la tâche de ceux qui continuent de prêcher la nécessité de mobiliser l’épargne vers les entreprises cotées. Ne donnons pas raison aux pessimistes qui pensent que le krach mondial de 2008 aura tué toute une génération d’actionnaires individuels dégoûtés à jamais des placements boursiers. Constatons au contraire que, si les professionnels donnent trop souvent le mauvais exemple en étant les premiers à s’affoler de leurs propres excès, les particuliers expérimentés, qui en ont vu d’autres, sont les derniers à paniquer. Et croyons en l’émergence d’une nouvelle génération d’actionnaires qui aura à cœur de reconstruire ce qui a été détruit. Car la France, pays d’épargnants, a besoin d’un actionnariat individuel puissant pour éviter que la mondialisation et la braderie des cours accélèrent la colonisation de nos plus belles entreprises.
La Fédération Française des Clubs d’Investissment (FFCI)