C’est un étrange phénomène qui a attiré l’attention de nombreux investisseurs : les marchés boursiers ont une fâcheuse tendance à chuter tous les 7 ans. Ou plutôt devrions-nous désormais parler au passé : « avaient une fâcheuse tendance… », car sept ans après la crise de 2008, le krach tant attendu en 2015 se fait toujours attendre !
Certes, les marchés boursiers ont enregistré d’importants soubresauts d’août 2015 à février 2016. Mais pas de quoi parler d’un véritable « krach ». À l’heure de la rédaction de ces lignes, en mai 2016, les indices boursiers américains ont presque déjà effacé la totalité de leurs mésaventures des 9 derniers mois, et les indices européens n’en sont pas si loin
Des cycles de 7 ans qui semblent bien nets
Pourtant, il faut reconnaître qu’anticiper un krach boursier en 2015 était tentant au vu de la régularité des crises boursières enregistrées au cours des 20 dernières années.
Sept ans avant la crise de 2008, le krach de la bulle Internet avait agité la planète finance autour de l’année 2001, ce à quoi s’étaient ajoutés les troubles géopolitiques que l’on connaît. Avant cela, d’importants soubresauts boursiers étaient survenus au cours du printemps et de l’été 1994 (-20% sur le CAC 40 en 9 mois), et encore sept ans plus tôt, il s’agissait du célèbre krach d’octobre 1987, éphémère et sans vrai lendemain, mais très marquant pour ceux qui l’ont vécu (-22 % en une seule séance à Wall Street !).
Cette régularité de 7 ans sur les graphiques boursiers n’a pas échappé aux adeptes de l’analyse technique, très attachés à l’idée selon laquelle en Bourse « l’histoire se répète », avec des causes toujours différentes mais des résultats toujours semblables.
2015 : une année mouvementée, mais une année dans le vert
Il n’en a pas fallu davantage pour que déferlent dès le début de l’année 2015 les chroniques-catastrophes annonçant un krach des marchés boursiers à venir au cours de l’année.
On se souviendra notamment des annonces de Jacques Attali allant en ce sens, ou encore des propos de Marc Touati, qui avait signé en mai 2015 une chronique intitulée « Krach de 2015 : le jour d’après » sur Boursorama, n’ayant pas laissé les lecteurs indifférents. Pas de chance : sur les grandes places de la zone euro, à Paris comme à Francfort, les marchés actions ont gagné un peu plus de 10% au cours de l’année 2015 au lieu de s’effondrer d’au moins 30% comme envisagé.
L’année 2015 a pourtant bien failli donner raison aux adeptes de cette théorie des cycles boursiers. On se souviendra longtemps de la « crise chinoise » de l’été 2015, et surtout de la séance de « lundi noir » du 24 août, où le CAC 40 avait chuté jusqu’à -7% en cours de séance. Une purge rarissime dans un climat de défiance totale face aux statistiques économiques chinoises jugées fausses, et à la chute des prix du pétrole.
Les inquiétudes ont néanmoins pu être contenues par la réaction des banques centrales, qui sont parvenues à envoyer un message de soutien aux marchés même si celui-ci a parfois peiné à être bien reçu par les investisseurs (à la surprise des banquiers centraux eux-mêmes).
Un krach en 2016 au lieu de 2015 ?
Contenu en 2015, le mouvement de baisse sur les indices boursiers a repris de plus belle en début d’année 2016. Au point de soulever un intéressant débat : la proactivité des banques centrales en 2015 (BCE en relance massive, Fed accommodante) n’aurait-elle fait que retarder d’un an la survenue du krach attendu en 2015 ?
Cette idée n’est pas absurde lorsque l’on voit les signes d’essoufflement des indices américains (DowJones bloqué au niveau des 18.000 points…) à cause du plafonnement des résultats d’entreprises. Même Goldman Sachs a reconnu dans une récente note de marché que le potentiel de hausse des marchés américains serait désormais limité, ce qui n’est pas de très bon augure pour la suite de l’année.
Reste qu’avec la remontée des prix du pétrole et l’absence de nouvelles surprises sur les statistiques chinoises ou américaines, la situation des marchés ne semble plus aussi dramatique qu’en février dernier…
La cyclicité de 7 ans ne serait-elle pas un simple mythe ?
Krach ou pas krach en 2016, dans les deux cas le fameux cycle des 7 ans n’aura pas été respecté. Et pour cause : cette cyclicité est surtout un mythe. « Alors on m’aurait menti ? » se demande le lecteur, qui n’en croit pas ses yeux.
Hé oui. Car à y regarder de plus près, cette cyclicité de 7 ans n’est en fait pas aussi évidente qu’elle y paraît. Que fait-on par exemple des crises boursières survenues à l’été 1998 et à l’été 2011 ? Loin d’être anodines, ces crises avaient été marquées par la chute des indices boursiers d’environ 30%. Difficile de considérer qu’il s’agit là de simples à-coups dans un cycle haussier plus global. Sans compter que ces crises ont laissé davantage de souvenirs dans l’esprit des investisseurs que la mauvaise année 1994.
Faut-il alors réviser la théorie et parler de crises boursières tous les 3 ou 4 ans ? Les soubresauts de l’été 2015 pourraient ainsi remporter le titre de « crise mineure » en faisant suite à la crise de 2011, 4 ans plus tard. Même chose pour l’enchaînement 1994-1998-2001. Oui mais voilà : le concept ne fonctionne pas entre les crises de 2001 et 2008 : rien à déplorer en effet en 2004 ou 2005, qui furent de bonnes années en Bourse.
Bilan des courses : il n’y a en fait aucune régularité tangible dans la survenue des crises boursières. Avouons que cela est décevant. Mais avouons aussi que cette conclusion n’a rien de surprenant : la Bourse serait un jeu bien simple si les règles du jeu étaient toujours les mêmes à intervalles de temps réguliers.
Xavier Bargue
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