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Des liquidités au secours de la croissance économique

Des liquidités au secours de la croissance économique




La politique non conventionnelle de la Fed, appelée également “quantitative easing” a pour objet de permettre à la Banque Centrale d’acheter des titres obligataires du Trésor et d’organismes publics américains, de façon à aider le redémarrage de l’économie américaine.

Ces achats sont effectués grâce à l’émission de billets, qui vont venir augmenter la masse monétaire américaine ; c’est donc une politique potentiellement inflationniste. Dans un premier temps, la Fed devrait racheter pour 75 milliards de dollars de titres par mois, ce qui devrait aussi favoriser la persistance de taux d’intérêt à long terme bas, élément indispensable à l’essor de l’économie nationale. Actuellement, les taux à 10 ans se situent, en termes nominaux, à environ 2,60 % et, en termes réels, à 1,3% -1,5%, ce qui est historiquement très faible.

Cette situation entraîne deux conséquences.

La première, c’est que la présence de capitaux bon marché va aider les entreprises américaines en difficulté, mais dans le même temps, va retarder le nécessaire désendettement de l’économie US, en permettant aux emprunteurs de se financer facilement.

Parallèlement, les investisseurs vont délaisser ce secteur peu rentable l’abandonnant aux Banques Centrales asiatiques (Chine, Japon), pour se reporter sur d’autres marchés financiers plus rémunérateurs, tels que le marché des changes ou le marché des matières premières, y introduisant une volatilité accrue et des bulles potentielles, ce qui n’est pas forcement souhaitable.

En Europe, le problème est différent. La BCE est réticente à faire marcher la planche à billets par crainte de relancer l’inflation. On retrouve l’opposition structurelle entre une Fed US, dont la limitation de la hausse des taux d’intérêt à long terme figure dans les statuts originels et une BCE, qui ne s’intéresse qu’à la maîtrise de l’inflation. Par contre, la pérennisation d’un mécanisme de garantie des dettes d’Etats pour les pays de la zone euro (500 milliards en réserve) risque de provoquer des effets pervers similaires à ceux du contexte américain.

D’une part l’existence d’un filet de sécurité peut amener les Etats fragiles (les “PIGS”) à surseoir leurs politiques d’ajustement.

D’autre part, les investisseurs peuvent considérer que le risque représenté par ces pays n’est pas suffisamment pris en compte dans les taux d’intérêt proposés et donc choisir de se reporter sur d’autres marchés financiers.

On voit donc que dans les deux cas évoqués, Etats-Unis et Europe, le choix entre politique de relance économique, à travers des financements rendus abondants et désendettement indispensable est extrêmement difficile à prendre. Il semblerait que l’on s’achemine vers une préférence pour la première alternative : préserver une sortie de crise par la croissance économique.

Et cela d’autant plus que le fossé s’élargit entre, d’un coté, les pays émergents, peu endettés, qui connaissent un essor remarquable (Chine, Inde Brésil, par exemple) et, de l’autre, les pays développés, très endettés, qui peinent à sortir de leur marasme.

Dans ces conditions, on peut anticiper le scénario suivant : arrêt progressif des politiques de désendettement, dans les pays développés, pour pouvoir lutter efficacement contre le chômage (9,5% aux Etats-Unis, 10% en France, 16% en Espagne, etc), liquidités abondantes sur les marchés avec des effets collatéraux redoutables : création de nouvelles bulles financières ; risque de guerre des monnaies et son corolaire, protectionnisme rampant ; caractère largement artificiel du redémarrage de la croissance dans les pays développés ; replongée éventuelle dans la récession, sans que l’endettement ait été purgé.

Heureusement, le pire n’est jamais sûr.

Bernard MAROIS
Professeur Emérite
Président du Club Finance HEC