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L’effet Momentum sur les marchés boursiers

L’effet Momentum sur les marchés boursiers




« Le Momentum est un style d’investissement puissant, presque inégalé en terme de prédiction de tendances et de robustesse (…) Le Momentum, jusqu’à récemment, n’était accessible qu’aux Hedge Funds, aux investisseurs institutionnels ou aux coûteux portefeuilles actifs » : Tobias Moskowitz in Momentum investing finally accessible for individual investors.

Qu’est-ce que l’effet Momentum

L’effet Momentum consiste à investir régulièrement sur les valeurs dont la performance a évolué positivement1  sur une période récente allant de quelques semaines à quelques mois. C’est le fondement des stratégies d’investissements aux noms exotiques et toujours anglophones tels que trend-following (suivi de tendances), relative strength strategies (stratégies de force relative), ou parfois même smart and lazy (intelligent et paresseux), qui décrit plus l’attitude de l’investisseur que sa véritable stratégie.

En effet, pour la partie lazy, le postulat est radicalement simple : si une valeur s’est récemment appréciée, alors elle va continuer à s’apprécier, pendant un temps, et pour en profiter il faut donc acheter les valeurs montantes. On parle donc d’une stratégie dynamique, par opposition au Buy & Hold, avec rotation du panier de valeurs lors des rebalances qui pourront avoir lieu tous les x mois ou semaines.

En quoi est-ce une stratégie smart ?

L’effet Momentum a 2 caractéristiques dont l’union fait systématiquement couler beaucoup d’encre quel que soit le domaine :

  1. Son existence est indiscutablement avérée.
  2. Il n’est pas complètement expliqué.

De fait il s’adresse à une certaine catégorie d’investisseurs qui sont capables d’accepter un concept sans nécessairement disposer pour le moment d’une explication infaillible. C’est, pour certains, la définition de smart.

Les premières grandes études sur le sujet datent du milieu des années 90 et il faut citer au moins Narasimhan Jegadeesh et Sheridan Titman  considérés comme les pères du Momentum académique avec un premier article en 19932.

Depuis, des dizaines de publications de recherche primaire confirment systématiquement l’effet Momentum, sur toutes les classes d’actifs et sur des périodes d’étude allant parfois jusqu’à un ou même 2 siècles3, grâce à des cours historiques de sucre et d’actions britanniques. On trouve dans le domaine des grands noms tels que Eugene Fama, Gary Antonacci, Mebane Faber, plus récemment le EDHEC-Risk Institute, et surtout plus de 500 ouvrages répondant au mot-clef « Momentum » dans les sections Finances & investissement de Amazon US.

L’effet Momentum : Pourquoi Newton avait tort4

Le Momentum est dérangeant et troublant car il remet en cause la théorie de l’efficience des marchés selon laquelle la communauté des investisseurs dispose de l’information et agit en fonction de celle-ci indépendamment des prix passés et présents. C’est l’investissement value pur, où plus d’information et plus de risque impliquent plus de rendement pour l’investisseur. Le Momentum ne rentre pas dans cette logique et cohabite donc de facto avec les autres théories du marché, sans que l’on en connaisse réellement la proportion. Cette particularité lui vaut d’être relégué dans la catégorie des « anomalies » du marché, The most striking anomaly5 (l’anomalie la plus saisissante), précise quand même le journal The Economist.

Les explications sont multiples, mais probablement bien résumées en 19976 déjà par des pionniers, Harrison Hong and Jeremy C. Stein :

« Il devient de plus en plus accepté que les faits accumulés concernant les réactions (émotionnelles) excessives sont difficiles à concilier avec la définition standard du marché efficient (efficiency market hypothesis, EMH) (…)  ces défauts suggèrent qu’une nouvelle théorie est nécessaire (..) cette théorie devra être comportementale. »

Comportemental est le mot clef ici, car le Momentum s’explique essentiellement par un panel de différents comportements proprement humains, qui agissent en synergie :

Instinct grégaire ou bandwagon effect

Comme pour les restaurants vides où personne ne rentre, certains investisseurs préfèrent acheter ce qui a déjà du succès, c’est-à-dire les valeurs montantes. Il existe une réelle difficulté psychologique à acheter low et à vendre high, amplement soulignée dans la littérature de Benjamin Graham, Warren Buffet, et bien d’autres.

Presse et identification sectorielle

Certains investisseurs se dirigent de préférence vers les valeurs en vogue, celles dont la presse qu’ils lisent parle, plutôt que celles ayant un fonds de commerce ennuyeux bien que peut-être bien géré. Cet aspect offre de grandes opportunités pour ceux qui savent détecter les pépites value impopulaires.

Relation principal/agent 1 : les managers de fonds à succès

L’impact le plus important probablement au vu des sommes en jeu : les investisseurs confient leur capital aux gérants 5 stars, qui ont justement récemment surperformé, appréciant et confortant ainsi plus encore les choix de ces gérants.

Relation principal/agent 2 : les managers de fonds en difficulté

En suivant le même raisonnement, les gérants qui sous-performent, seront grandement tentés de suivre les sur-performeurs en investissant dans les compagnies montantes, pour copier le succès de leurs concurrents plus rentables, mais aussi et surtout pour s’assurer un argumentaire face au supérieur ou au client mécontent. C’est le fameux dicton de l’informatique des années 90 : « On n’a jamais licencié quelqu’un pour avoir choisi IBM ».

Temps de réaction value

Dans la réalité, les acteurs ne disposent pas instantanément de toute l’information, ni n’y réagissent sur le champ. Ainsi une baisse de profit trimestriel ou de carnet de commande ne se traduira pas immédiatement en une opinion menant à une vente du titre. Le Momentum serait alors le reflet de l’inertie du marché à réagir à une réalité chiffrable ou interprétable par un cerveau humain.

Gérants de fonds, indices et Momentum

Sachant que le Momentum est largement exploité par les professionnels de l’investissement, la question légitime qui se pose alors est celle de la véritable performance des gérants de fonds dits « actifs ». En quoi sont-ils actifs et combien le sont réellement ?

Avant le développement des indices boursiers, (Charles H. Dow, créa le 1er indice en 1896, mais le CAC40 date de 1987) les gérants pouvaient expliquer leurs rendements entièrement par leur expertise. Aujourd’hui les gérants sont commissionnés pour surperformer un indice, et ils le font en achetant l’indice puis en renforçant une petite partie des composants sur un jugement value, size ou … Momentum. Cette volatilité supplémentaire ajoutée à celle de l’indice préexistant, maintenant vendu directement sous la forme d’un ETF, semble assez mal fonctionner. En effet l’étude SPIVA montre chaque année que la profession reste plutôt inefficace : 79% des fonds Europe font moins bien que leur indice de référence sur 3 ans, et jusque 96% sous-performent pour la catégorie Monde sur 5 ans.

Pourcentage de fonds Européens qui sous-performent leur indice de référence (euros) :

Catégorie du fonds Indice de comparaison 1 ans 3 ans 5 ans
Europe Equity S&P Europe 350® 76% 79% 74%
Eurozone Equity S&P Eurozone BMI 85% 76% 74%
France Equity S&P France BMI 59% 76% 71%
Germany Equity S&P Germany BMI 73% 66% 66%
Global Equity S&P Global 1200 76% 94% 96%
Emerging Markets Equity S&P/IFCI 74% 76% 80%
U.S. Equity S&P 500 66% 86% 88%

Source : S&P Indices Versus Active Funds (SPIVA®) Europe Scorecard – Mid-Year 2014
D’autres gérants plus rusés ont compris le risque de ne pas suivre l’indice et facturent une prestation d’expertise boursière (commissions), pour un fond qui achète l’ETF de l’indice. Cette pratique nommée le closet indexing, ou closet tracker, relève d’une certaine malhonnêteté commerciale pour le moins. Une étude7 récente limitée à la Grande Bretagne établit que près de la moitié des 127 fonds étudiés, pour 120 milliards d’encours, pourraient entrer dans cette catégorie.

Bien évidemment l’effet Momentum pour une valeur ou un indice n’est pas infini et la cotation n’augmentera pas indéfiniment. Une partie grandissante des investisseurs value finissent, avec l’inertie mentionnée plus haut, par arbitrer en revendant leurs parts, transférées sur d’autres valeurs et indices plus pertinents selon la conjoncture, vers lesquels l’effet Momentum sera déplacé.

La question est alors de savoir quelle est la proportion d’investisseurs véritablement attentifs à la performance de l’économie réelle dont le marché a besoin pour faire « le » marché ? « Bien moins !» est très souvent la réponse. Le chiffre de 20% est avancé dans le reportage How to win the losers’ gameet Michael Johnson, chroniqueur au Financial Times, considère que 80% du management « actif » est aujourd’hui inutile9.

Backtesting ETF et mise en pratique du Momentum

L’implémentation d’une stratégie Momentum peut se faire facilement à travers un portefeuille d’ETF. C’est un véhicule opportun puisque les ETF, aussi appelés Trackers en France, offrent une exposition très large à différents marchés et classes d’actif, avec la liquidité nécessaire aux rebalances réguliers10. La majorité si non la totalité des nouvelles FinTech ne s’y trompent pas, et de Wealthfront à Nutmeg, ces sociétés qui brisent le paradigme des produits de banque d’agence s’appuient sur les ETF, tout comme ETF360 que j’ai fondé en 2014.

S’agissant de stratégies quantitatives elles peuvent être facilement simulées sur les données historiques passées : c’est le Backtesting  ETF qui permet de tester la robustesse d’une stratégie Momentum où l’on va choisir bassin de départ, une période de rotation et surtout une formule de relative strength, ou scoring, basée sur un ou plusieurs rendements à x mois qui vont déterminer quelles sont les valeurs à acheter.

Une stratégie basique consiste par exemple à prendre 5 classes d’actif majeures : Euro action small & large, Euro obligations Etat & Entreprises ainsi que l’or, à travers 5 ETF11, et à investir tous les 2 mois dans l’ETF qui a eu le meilleur rendement sur les 3 derniers mois. Un Backtest révèle que cette simplicité apparente et limitée à la zone Euro, permet de passer sereinement une crise de type 2008 (avec un repli sur l’or) et d’obtenir un rendement global d’environ 350% sur 11 ans, très largement supérieur au CAC40, en bleu ci-dessous :

L’effet Momentum sur les marchés boursiers

L’efficacité d’une stratégie de suivi de tendance est ainsi facilement détectable et de nombreuses variations sont possibles, avec des bassins de départ plus diversifiés et/ou avec plus de granularité par secteur, géographie et classe d’actif, en ajoutant notamment l’immobilier ou le marché monétaire, accessibles via les ETF également. On pourra aussi ajouter des signaux market timing de type intersections de moyenne glissantes par exemple.

Il convient cependant de rappeler que le cout des transactions est à prendre en compte dans l’érosion du capital d’une stratégie Momentum. C’est la contrepartie de l’évitement des aléas du Buy & Hold où les crises financières peuvent annuler les gains des 5 dernières années ou plus : le CAC40 fait en moyenne 0% par an depuis 2002. On est cependant loin du daily-trading car les mêmes ETF sont souvent conservés d’un mois sur l’autre (la simulation précédente affiche en moyenne une transaction tous les 4 mois et non 2), et les frais de transaction ne cessent de diminuer dans le marché hyper-compétitif des e-brokers, pour des rendements théoriques qui dépassent souvent les 10% par an. C’est aussi une des raisons pour lesquelles l’effet Momentum a trop longtemps été considéré comme la propriété des grandes institutions ayant un accès privilégié, économiquement, aux transactions boursières.

Et Tobias Moskowitz de conclure son article : « L’investissement Momentum (…) est enfin, via les fonds indiciels, accessible à l’ensemble de la communauté des investisseurs. »

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1On peut également être short sur un Momentum baissier

2Buying Winners and Selling Losers: Implications for Stock Market Efficiency

3Two centuries of trend following – Y. Lempérière

4Titre original de The Economist – Momentum in financial markets: Why Newton was wrong – 2011

5The Economist – Double agents – 2014

6A Unified theory of underreaction , Momentum trading and overreaction in asset markets

7Financial Times – UK regulator urged to tackle ‘index clones’ – September 2014

8How to Win the Loser’s Game – Sensible Investing – disponible sur youtube

9Financial Times – We do not need 80% of active management – Mai 2014

10Voir méthodologie de EDHEC-Risk Institute – Capturing the Market, Value, or Momentum Premium with Downside Risk Control: Dynamic Allocation Strategies with ETF

11DJSC, IBXLQ, MSE, MTX, PHAU sont les plus anciens et offrent un bassin de 2 ETF dès 2004

Le Backtesting reste un outil de simulation et d’aide à la décision et qu’il ne peut constituer une garantie de résultat. L’auteur certifie ne pas avoir pris de position dans les valeurs indiquées dans cet article. Les informations de Cafedelabourse.com et de ses publications sont données à titre pédagogique. Elles ne constituent en aucun cas des recommandations d’investissement. Le lecteur se doit d’étudier les risques avant d’effectuer toute transaction. Il est seul responsable de ses décisions d’investissement.