Les investisseurs internationaux s’inquiètent de la solvabilité d’une Grèce endettée à hauteur de 113% de son PIB. Dans le même temps, le Japon, lui, porte une dette équivalente à 197% de son PIB, et personne ne semble en perdre le sommeil. Pourquoi un tel traitement de faveur ? La catastrophe semble bel et bien au bout du chemin, mais celle-ci n’est pas pour tout de suite.
Les taux obligataires les plus bas du monde
Le gouvernement japonais a depuis des années un déficit budgétaire autour de 7%, et sa dette a été rétrogradée par les agences de notation. Avec des obligations offrant un rendement misérable de seulement 1 à 2%, on pourrait parier sur une remontée des taux.
Et pourtant ce pari n’a jamais fonctionné. Le gouvernement japonais jouit encore aujourd’hui du coût de l’emprunt le plus faible du monde. Les obligations d’Etat à 20 ans paie tout juste 2,1% et les obligations à 2 ans rapporte un minuscule 0,15% !
La principale raison est que le Japon ne dépend pas des investisseurs étrangers pour leurs emprunts. Seulement 4% de ses obligations sont détenus par des étrangers. Aussi ridicules que ces rendements puissent paraître, ils restent toutefois très positifs en termes réels, du fait de la déflation qui gangrène l’économie depuis des années. Vu que le cash ne rapporte presque rien et que la Bourse de Tokyo a perdu 75% sur son pic de 1989, les obligations représentent plus un pis-aller qu’un vrai choix d’investissement.
Le Japon va-t-il faire défaut ?
Certains semblent dire que oui. 2 400 milliards de dollars d’obligations japonaises vont arriver à échéance cette année, l’équivalent de 45% du PIB. De plus en plus de Japonais arrivent à l’âge de la retraite (en 2007, 21,5% de la population a plus de 65 ans, contre 12% en 1990), et les ménages n’épargnent plus autant qu’auparavant. En 25 ans, la part de l’épargne par rapport au revenu disponible a chuté de 16% à seulement 3%. Le fonds de pension gouvernemental, un des plus gros détenteurs de titres de dette japonaise, a avoué manquer d’argent frais pour continuer à en acheter.
Il est malheureusement probable que les pires cauchemars des pessimistes se réalisent. Le paiement des intérêts de l’emprunt absorbe 35% des revenus de l’Etat. Si l’on se prend à imaginer que le Japon doive faire face à des taux d’intérêts du niveau de ceux de l’Allemagne (autour de 3%), cela pourrait être catastrophique. Historiquement, une grande proportion des pays très endettés ont fait défaut sur leurs remboursements ou, plus souvent, ont eu recours à l’inflation.
L’archipel en sursis
Voilà déjà 20 ans que le Japon est confronté au problème de sa dette. A l’origine de celle-ci les multiples plans de relance mis en œuvre depuis les années 1990 ainsi qu’un système fiscal peu lucratif pour l’Etat, avec notamment une taxe sur la consommation exceptionnellement basse pour un pays développé (5%).
Une crise pourrait-elle se déclencher maintenant ?
A l’instar de ce que fait la Fed aux Etats-Unis, la Banque du Japon dispose encore d’une marge de manœuvre et continue à acheter des obligations d’Etat japonaises. Mais cela ne fait que reporter le problème à plus tard.
Un jour, le marché intérieur aura été totalement exploité et le gouvernement devra se tourner vers les investisseurs étrangers pour se financer. C’est quand le Japon sera devenu dépendant de ses derniers que la crise surviendra. Autres scenarii possibles : une chute brutale du yen ou une poussée d’inflation qui conduiraient les investisseurs locaux à éviter les actifs libellés en yen.
Mais la balance commerciale du pays est encore très positive, le yen s’est fortement apprécié depuis 3 ans, et les économistes ont prévu une année 2010 déflationnistes. Il est donc peu probable que le scénario catastrophe pour la dette souveraine du Japon se déclenche cette année.
Laurent Curau
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