Avant même l’aggravation de la crise financière à la mi-septembre, la zone euro allait déjà mal
Après une contraction de 0,7% annualisés au mois de juin, le PIB est bien parti pour ressortir en baisse au troisième trimestre. Alarmée par la vitesse du ralentissement, la Banque Centrale Européenne (BCE) a baissé ses taux directeurs le 6 novembre de 50 points de base, à 3,25%, soit la deuxième baisse en l’espace d’un mois seulement.
Au regard des données économiques récentes, une telle décision semble justifiée ? En octobre, l’indice “Purchasing Managers Index” (PMI) a plongé de 46,9 à 43,6, son plus bas jamais enregistré (l’indice a 10 ans). Un PMI sous 50 est le symptôme d’une économie en contraction. Le chiffre d’octobre laisse donc présager une grosse contraction de l’économie.
Et d’autres indicateurs ne sont pas plus encourageants. La mesure du sentiment économique de la Commission Européenne est tombée à son plus bas en 15 ans. La Commission a revu à la baisse ses prévisions de croissance, de 1,5% à 0,1% pour 2009.
La plus récente phase du ralentissement semble généralisée, au fur et à mesure que la pénurie de crédit affecte la consommation des ménages, les investissements des entreprises et les exportations. La consommation battait déjà de l’aile avant même que la confiance des ménages prenne un coup. La consommation des ménages en Europe a baissé à chacun des deux premiers trimestres de l’année, et il n’y aucun signe d’embellie. Les ventes de détail ont baissé de 1,6% de janvier à septembre, et les économistes de Barclays Capital estiment que les ventes de voitures neuves en octobre sont au plus bas depuis 1997 (corrigé de la saisonnalité).
Les exportations souffrent du ralentissement de l’économie américaine et britannique, les deux plus gros marchés de la zone euro à l’export
Et à mesure que la pénurie de crédit se fait sentir par-delà les frontières des pays riches, les ventes dans les économies émergentes sont menacées elles aussi. Les entreprises européennes qui fournissent de l’équipement pour fabriquer des biens, des routes, des chemins de fer, des centrales électriques ou des stations d’épuration ont bénéficié des quatre années fastes. Les pays producteurs de matières premières, aux poches bien garnies, étaient de bons clients, et le boom de la construction en Chine avait aussi aidé à remplir les carnets de commande.
Une autre vicitime pourraient être les dépenses d’investissement. BMW, Porsche et Daimler ont tous trois annoncé que la baisse de leurs ventes les conduiraient à diminuer leur production, notamment en rallongeant leur traditionnelle fermeture d’usines pendant les fêtes de Noël. Un autre signe que les entreprises réduisent leurs investissements vient de SAP, le géant allemand du logiciel pour entreprises. Henning Kagermann, directeur adjoint de SAP, a récemment avoué: “nous n’avons jamais vu une baisse aussi abrupte des dépenses de nos clients en aussi peu de temps”.
On pourrait se dire que tout cela est à mettre sur le compte de la crise financière. Une des craintes est que les banques dégonflent leur bilans en réduisant leurs prêts et conduisent les entreprises à réduire leurs dépenses pour réduire leur dette. Ce processus serait tout particulièrement douloureux pour les entreprises européennes qui dépendent beaucoup du crédit pour leur financement que leurs consoeurs américaines.
Mais il est fort à craindre que la chute récente de la conjoncture soit due à une inquiétude vis-à-vis des dépenses des clients, plutôt qu’aux banques qui ferment les robinets du crédit. Les prêts bancaires à des entreprises non-financières ont augmenté de 12% en septembre. C’est plus lent que dans les mois précédents, mais ce n’est tout de même pas si mal. Cela étant, les banques sont maintenant beaucoup plus sélectives qu’auparavant pour leur prêts, ce qui veut dire que certains secteurs souffriront plus que d’autres. Il est donc à prévoir que les banques renforcent leurs liens avec leurs clients les plus solides (industriels, services aux collectivités, etc …) aux dépens de leurs clients plus fragiles (biens de consommation courante, promoteurs immobiliers et entreprises de private equity, pour ne citer qu’eux).
Une lueur de réconfort pour l’eurozone: l’euro, qui chute face au dollar
La période prolongée de force de l’euro vis-à-vis du dollar a renforcé les entreprises européennes, en les forçant notamment à être plus productives. La chute actuelle de l’euro devrait donc maintenant donner de meilleures chances aux exportateurs européens dans les pays émergents, où ils ont dû faire face à leurs rivaux américains et leur dollar faible. Les entreprises européennes ont également été plus rapides à prendre pied dans ces marchés. Les exportations depuis la zone euro vers les pays producteurs de pétrole, par exemple, sont trois fois celles des Etats-Unis, d’après la BCE.
Ceci dit, les taux ont été baissés trop tard pour véritablement stopper la glissade. Une bonne nouvelle cependant: l’inflation est retombée de son pic de 4% en juillet à 3,2% en octobre, et descendra encore.
La BCE a donc encore des coudées franches pour baisser ses taux !
Laurent Curau