Rappelez-vous Pechiney, fleuron industriel français, refuge des ingénieurs français les plus brillants et l’un des leaders mondiaux dans l’aluminium et l’emballage.
Rappelez-vous cette Offre Publique d’Achat (OPA) d’Alcan (ALC) sur Pechiney en 2003 qui devait garantir la présence d’un siège parisien pour le groupe franco-canadien.
Rappelez-vous les discours de politiques blà¢mant la mondialisation et ses conséquences via des restructurations toujours créatrices de valeur dans les journaux, jamais dans les foyers des ouvriers.
Il en résultait un groupe solide, une identité forte, 70 000 collaborateurs dans plus de 60 pays, un CA de 23,6 milliards de dollars en 2006 pour un résultat de 591 millions de dollars au premier semestre de cette année.
Et pourtant, l’exposition de la demande chinoise, ainsi que la nécessité d’avoir une surface financière importante pour mener de front des investissements industriels lourds ont contribué à accélérer la concentration du secteur de l’aluminium et des miniers en général. Pour preuve: l’acquisition du Canadien Falconbridge par le suisse Xstrata en 2006 et celle de la division aluminium de Glencore par le Russe Rusal. Les rumeurs les plus folles ont emballé le marché ces derniers temps, impliquant des monstres méconnus du grand public, mais tellement puissants : BHP Billiton, Rio Tinto, Anglo American, ainsi que des fonds d’investissements féroces.
Reste que face à ce raz-de marée de dollars, le groupe Alcan (ALC) n’a pas renoncé à sa politique de diversification en ayant dans son portefeuille des activités aussi diverses que l’aluminium primaire, l’emballage alimentaire, l’aluminium aéronautique, mais aussi des rouge à lèvres, des mines de bauxite et du bois. Une diversification qui a laissé perplexe plus d’un analyste, d’autant que la rentabilité des activités en aval, notamment l’emballage, est bien moindre. Cela ne laissait rien présager de bon, tant le concept de “recentrage sur le coeur de métier” est à la mode dans le monde des fusions-acquisitions.
Et ce qui devait arriver arriva. L’OPA de 38 milliards de dollars (26,9 milliards d’euros) du groupe anglo-australien Rio Tinto sur Alcan, soit la plus importante jamais réalisée dans le secteur minier. Elle s’acheva en octobre 2007, marquant ainsi la “seconde mort” de Pechiney.
Cette opération a du sens pour chacun des partis, Rio Tinto achetant l’ensemble du groupe canadien pour ne préserver que les actifs stratégiques (et rentables !) situés en amont de la chaine énergétique: mines de bauxites et usines d’électrolyse, qui permettent de transformer l’alumine en aluminium.
Mais cette OPA va sceller la fin de l’aventure Pechiney pour bien des petits porteurs. Autre dégà¢t collatéral du rapprochement entre les deux géants : la cession prochaine de la partie emballage du groupe, qui représente plus de 5500 employés en France.
Par ailleurs, c’est la fin d’une part du modèle industriel français, basé sur l’excellence de ses ingénieurs : “De toute façon, en réunion, on ne faisait déjà quasiment plus référence à Pechiney, à part peut-être pour la technologie”, témoigne un ex-Pechiney. “C’est la fin d’un certain modèle industriel à la française dans lequel on pensait d’abord technologie, avant de voir ce que ça pouvait rapporter en termes de business. Quand Alcan a pris le pouvoir, le système en avait pris un sérieux coup, avec Rio Tinto la première question qu’on se pose c’est qu’est-ce que ça rapporte”, explique-t-il. “On assiste à la fin de l’histoire industrielle de Pechiney et à son savoir-faire technologique”, confirme M. Verdier (CGT), membre du comité d’entreprise européen d’Alcan.
Les nostalgiques du vieux Pechiney n’ont pas fini de regretter le bon vieux temps. Avec Usinor, la CGM et Rhône Poulenc, c’est un autre géant de l’industrie française qui s’éteint.