La presse économique ne parle que de cela : le rachat de 300 Milliards de bons du trésor par la FED, officiellement pour “faire baisser les taux longs” et abaisser la charge des intérêts de la dette du trésor US. “Accessoirement”, la FED achète pour… 750 Milliards d’obligations toxiques de “Mortgage Backed Securities”. A quel prix ? Impossible de savoir. A quelles banques ? Idem. Officiellement, pour ne pas effrayer le marché en divulguant le nom des banques qui se débarrassent de leurs actifs douteux.
Les taux des bons du trésor à 10 ans sont donc descendus d’un coup, d’un seul, de 3% à environ 2,50. Du jamais vu depuis 1962, à ce qu’il paraît. Certains idolâtres béats de Ben Bernanke y voient un coup de génie et regrettent, sur les ondes radiophoniques, que notre Jean-Claude Trichet ne puisse faire de même.
Mais la fête pourrait être de courte durée.
Tout d’abord, l’explication officielle, “faire baisser les taux longs”, me laisse perplexe. Ne s’agit-il pas plutôt d’un aveu implicite que les obligations du trésor US seraient de plus en plus difficiles à placer ? Car enfin, qui achète des treasuries ? Des institutionnels, des banques, des assurances. Or, ces établissements doivent reconstituer des fonds propres: ils doivent déléverager. Où trouveront ils le capital nécessaire pour apporter de nouveaux prêts à l‘état US ?
La chronique du désastre annoncé continue
Hein, où ? En revendant leurs actifs pourris à la FED à un prix surpayé payé en monnaie de singe ? Hmmmm…. je suis preneur de toute information sur les conditions de rachat des MBS.
D’autre part, mettez vous à la place de détenteurs de créances libellées en dollars. D’actions libellées en dollars… Vont ils croire longtemps que la FED est capable de conserver la création monétaire sous contrôle, alors même que les premiers signes d’un retour d’inflation montrent le bout du nez contrariant les prévisions déflationnistes qui dominaient la médiasphère ces derniers temps ? Vont-ils croire béatement que ce geste de la FED n’est qu’un “coup de fouet isolé” ?
La FED vient de donner un signal plus que négatif aux marchés: “si vous détenez des avoirs ou des créances en dollars, c’est le moment d’avoir peur”. Alors, les prochaines émissions d’obligations US, vont ils arriver à les placer à bon prix ? Ou Geithner rappellera-t-il “Helicopter Ben” à la rescousse ? Geithner a gagné 0,5 points ? La belle affaire… Mais pour combien de temps ? Quelle prime de risque les investisseurs exigeront ils lors des prochaines émissions du trésor pour compenser le risque de dérapage de la masse monétaire dans une économie en récession ?
L‘état américain, et l’Angleterre, et le Japon, cherchent désespérément à relancer la machine économique par le crédit, au risque de relancer l’inflation. Mais qui est assez idiot pour vouloir prêter de l’argent à long terme et à taux bas alors qu’un risque de retour inflationniste menace ? Les prêteurs demanderont une “prime de risque” et feront tôt ou tard remonter les taux… Et si Bernanke se lance à nouveau dans une opération d’achat d‘émissions du trésor pour contrecarrer ce phénomène, il sapera encore un peu plus la confiance dans le dollar, provoquant une baisse temporaire du rendement des treasuries à chaque fois un peu plus faible, puis une remontée en flèche au fur et à mesure que le trésor devra émettre une nouvelle tranche d’emprunts pour financer le “stimulus”. Et ainsi de suite. Le maintien de taux d’intérêts artificiellement bas par le sacrifice de la crédibilité du dollar n’est qu’un shoot d’héroïne à un junkie accro à l’excès de dette : l’effet est plus faible et le manque est plus rapide après chaque prise.
Admettons que je fasse preuve d’un pessimisme excessif, et que je me fourvoie : les prêteurs continueront de prêter benoîtement à 2,5% au trésor US, l’inflation restera sous contrôle… cela voudra dire que le deleveraging bancaire sera tel que les injections de liquide de Bernanke n’auront pas plus d’effet sur la masse monétaire qu’une piqûre de moustique sur le cuir d’un rhinocéros: c’est le scénario Japonais, dans lequel aucun redémarrage probant de l‘économie ne se produit non plus: cela ne validerait pas, loin s’en faut, les choix monétaires de “Helicopter Ben”. Mais outre que cela me parait improbable tant les volumes annoncés sont énormes, je n’imagine pas l‘état (si j’ose dire) de l‘économie privée si elle devait être à ce point asséchée de crédit.
L‘état US doit se rendre à l‘évidence, il n’a pas les moyens de se payer son “nouveau new Deal”, s’il persiste à vouloir le faire, alors soit il étranglera son économie, soit il détruira sa monnaie, ruinant ses épargnants et rendant aléatoire tout investissement de long terme.
Le plus rageant, est que si l’administration Obama, et avant elle celle de GW Bush, avaient simplement laissé passer l’orage et privilégié la résolution de la crise bancaire par des moyens ne faisant pas appel au contribuable, la sortie de crise aurait certainement été aussi rapide que son apparition fut brutale. Mais l’incertitude grave créée par des politiques économiques ineptes vont plonger l’Amérique dans une période de doute profond.
Le gouvernement Obama doit d’urgence abandonner son “plan de relance” et tailler à la hache dans les dépenses publiques, tout en faisant baisser les impôts marginaux d’une fraction significative de la baisse des dépenses. Et travailler sur les mauvaises incitations qui poussent aujourd’hui les entreprises, et notamment les financières, à maintenir des taux d’endettement trop élevés en comparaison de leurs capitaux propres. Permettre aux entreprises de former plus de capital est la seule manière de sortir durablement de la crise.
Vincent Benard