Les psychologues décrivent l’ancrage comme étant la difficulté à se départir d’une première impression. En programmation neuro-linguistique on le désigne plutôt comme un processus qui associe inconsciemment et automatiquement une réaction interne à un stimulus extérieur. Nous mémorisons ces liens et créons ainsi ce que l’on appelle des “ancres”. On dit également que lorsqu’une ancre est stimulée, la sensation vécue dans le passé revient instantanément. Mais quoique très vague dans sa définition psychologique, qu’en est-il de l’ancrage lorsqu’il est appliqué à la science de l’investissement et du domaine financier en général ?
À mon avis, il y a deux types d’ancrages. Il y a celui qui nous empêche de vendre un titre perdant et aussi celui qui nous empêche de racheter un titre gagnant à des niveaux plus élevés.
L’ancre qui vous empêche de vendre
Je crois que c’est le type d’ancrage le plus commun chez les investisseurs autonomes. En effet, qui n’a jamais entendu de collègues les phrases du type: “J’ai acheté le titre XYZ à 20$ et en ce moment il est à 16$, je vais attendre que celui-ci remonte à 20$ pour le vendre”. Je vois dans ces propos une grande erreur qui est celle de conserver un titre qui ne nous convient plus pour la simple et unique raison que l’on ne veut pas prendre une perte. Pour certains, prendre une perte, c’est s’avouer vaincu, c’est reconnaître officiellement que l’on a perdu de l’argent et personne n’aime cette sensation.
Les victimes de cette forme d’ancrage se disent souvent, dans leur fort intérieur que parce que le titre est sous leur prix d’achat, il est forcément sous-évalué et il finira bien par remonter un jour. Grave erreur !
À cela, il faut savoir qu’il n’y a rien de mal à vendre un titre perdant, au contraire, surtout si les liquidités dégagées vous permettront de prendre des positions dans des titres qui offrent de meilleures perspectives. Le meilleur remède à cet ancrage demeure d’imaginer votre portefeuille comme un musée de l’investissement où vous ne voulez que posséder les meilleures sociétés. Ainsi, si votre titre perdant ne se qualifie plus à votre musée, changez-le et faites entrer un nouvel arrivant à votre panthéon. Enfin, si cela vous fait changer tous vos titres, la bourse n’est peut-être pas pour vous…
L’ancre qui vous empêche de racheter un gagnant
A l’inverse du type d’ancrage précédemment énuméré, celui-ci affuble probablement les investisseurs un peu plus expérimentés. La phrase typique dans ce cas-ci serait quelque chose comme: “Ce titre est trop cher, je l’ai payé 20$ il y a 1 an et voilà qu’il est maintenant à 30$” ou bien “Zut, je l’ai raté celle-là, maintenant que le titre à monté, pas question pour moi d’acheter, il est trop tard”. Ce genre de raisonnement peut également s’avérer une grave erreur.
En fait, le meilleur remède à ce type d’ancrage, qui, je l’avoue, m’affuble parfois, consiste à réévaluer froidement son titre, dans le but d’en obtenir une valeur intrinsèque mise à jour et ainsi comparer avec le cours actuel. Je pourrais vous donner une quantité innombrable d’exemples vécus dans les dernières années mais je me limiterai à un seul, c’est à dire, celui que j’ai vécu avec le Groupe BMTC.
J’ai commencé à surveiller BMTC il y a environ 1 an et demi alors que le titre se transigeait aux alentours de 18,00$. À ce moment là, j’avais évalué que le titre serait un bon achat s’il baissait sous la barre des 17,00$. Hélas, après quelques mois, le titre remonte à 22,00$. Me voilà donc déçu de ne pas avoir su profiter de l’occasion. À ce moment, je m’étais dis: Ça y est, je suis passé à côté…” Quelques mois plus tard, j’ai révisé les chiffres pour finalement en conclure que le titre était un bon achat à 25,00$. Aujourd’hui, le titre oscille autour des 34,00$ et ce 4 mois plus tard après mon achat du titre. La morale dans toute cette histoire est qu’il ne faut pas hésiter à réviser et recalculer la valeur intrinsèque d’un titre dès que les données financières de l’entreprise changent. Dans le cas de BMTC, l’entreprise avait racheté une grande quantité de ses propres actions durant l’année faisant en sorte que mon évaluation passée ne tenait plus compte de la réalité.
Éviter l’ancrage
En bref, quand vient le temps d’éviter l’ancrage les verbes penser, évaluer et réviser sont vos meilleurs amis et demeurent le meilleur remède qui soit. Soyez vigilant lorsque vous évaluez un titre, les investisseurs qui ont du succès ne se basent pas uniquement que sur quelques données telles que le ratio cours/bénéfice et la valeur comptable pour leurs évaluations mais sur un ensemble de données qui leur permet d’obtenir une image claire de la situation vécue par l’entreprise concernée.
Pierre-Olivier Langevin
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