Les récentes statistiques, révisées à la hausse indiquent que les banques américaines ont subi 850 milliards de dollars de pertes et dépréciations d’actifs en 2008, dont 90 milliards pour le seul Citigroup et 125 milliards pour l’ensemble Wells Fargo Wachovia.
Selon le FMI, le montant total des pertes dues à la crise bancaire devrait dépasser les 2.200 milliards de dollars aux Etats-Unis. D’ores et déjà, les autorités fédérales ont dû injecter plus de 1.000milliards de dollars pour éviter d’autres faillites, du type de Lehman Brothers, l’ensemble des moyens mis en œuvre par les Etats-Unis pour surmonter la crise et la récession s’élevant à 3.000 milliards pour toute l’économie américaine !
Et les banques ne sont pas les seules victimes de la crise financière. On peut aussi mentionner AIG, qui à travers sa filiale para-bancaire, AIG Financial Products, a dégagé déjà 98 milliards de pertes en 2008, ce qui a nécessité une prise de contrôle de l’Etat (80% du capital), et le versement total de 180 milliards de dollars.
D’où viennent ces pertes ? Evidemment, des crédits « subprimes » qui sont à l’origine de cette crise. Mais ceux-ci ont été revendus par le canal de CDO (Collateral Debt Obligations), titres négociés sur un marché de gré-à-gré, donc totalement opaque et déréglementé.
Pour se protéger du risque de défaut, les investisseurs (souvent d’autres banques) ont contracté des CDS (Crédit Defaut Swaps) auprès d’autres institutions financières, ce qui a disséminé les actifs « toxiques » dans tout le système bancaire mondial.
Aujourd’hui, l’encours total des CDS dépasse les* 60.000 milliards de dollars* (contre seulement 6.400 milliards, fin 2004). Le montant astronomique de ces produits dérivés s’explique, selon Marc Chesney, Professeur à l’Université de Zurich, par la spéculation, l’encours de CDS en circulation devant être rapproché des 5.000 milliards de créances à risque sur lesquels ces CDS sont adossés.
Pour Warren Buffet, les pertes potentielles sur ces CDS dépasseraient 10.000 milliards ! Il faut savoir que déjà, la faillite de Lehman Brothers avait affecté de grandes banques internationales, contrepartie de la banque d’affaires, dans des transactions portant sur des CDS. Mais ce mécanisme a été généralisé. Ainsi AIG avait vendu plus de 450 milliards de dollars à d’autres banques (dont les deux tiers à des institutions étrangères). De ce fait, une part substantielle de l’aide fédérale à AIG est déjà partie dans le remboursement des engagements de la compagnie d’assurance vis à vis des banques étrangères (dont la société Générale, pour 12 milliards).Il faut également rappeler que le sauvetage d’AIG permet de rembourser les investisseurs qui avaient parié sur la faillite de Lehman Brothers en achetant des CDS à cette banque.
Alors, en quoi, la situation risque t’elle d’empirer ?
C’est qu’au-delà des crédits immobiliers(« subprimes ») qui ont été titrisés (création des CDOs) et ensuite assurés (mise en place des CDS), il y a d’autres « épées de Damoclès » : les crédits à la consommation, dont le taux de défaut augmente rapidement et *les cartes de crédi*t (hausse également des impayés), sans compter l’effet des dépréciations sur les bilans des banques, fortement sous-capitalisées, malgré les 500 milliards versés par l’Etat fédéral en direct.
Pour sauver le système bancaire américain, le gouvernement a recouru à toute la panoplie des solutions envisageables : nationalisation partielle (AIG) ou totale (Freddie Mac, Fannie May), garantie apportée à des structures concentrant des actifs toxiques, projet de « bad bank » soutenue par l’Etat et, même, recours à des investisseurs privés, à travers des systèmes de vente de créances aux enchères (si on trouve des investisseurs intéressés…)
Quelles sont les conséquences de ces initiatives ? On peut déjà dire que l’on assiste à un transfert massif de l’endettement privé vers l’endettement public : le montant des « Treasury Bonds » (obligations du Trésor Public américain) a presque doublé depuis le début de l’année. Et ce n’est qu’un début. Le déficit budgétaire US pourrait atteindre 8% en 2009 : le sauvetage du secteur bancaire est à ce prix. Bien sûr, les retombées d’une telle avalanche de papier obligataire sont bien connues : création d’une bulle obligataire, dérive inflationniste, après avoir côtoyé la déflation, et, immanquablement, l’effondrement du dollar (sujet d’un prochain éditorial).
Bon courage.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite à HEC
Président du Club Finance HEC