La polémique a enflé depuis un mois et l’annonce par la BNP qu’elle plaçait en réserve une somme de 1 milliard d’euro pour pouvoir servir des bonus à ses traders en fin d’année.
Avant d’analyser les conséquences de cette décision, il faut rappeler deux points : d’abord, la notion de « bonus » s’apparente plus au versement de la part variable du salaire des opérateurs de marché qu’une gratification supplémentaire (prime de fin d’année) : il faut savoir que cette part variable peut représenter jusqu’à 60% ou 70 % du salaire d’un « trader », la part fixe étant, somme toute, assez modérée. Ensuite, il faut comparer ces chiffres avec ceux des concurrents.
Ainsi, Goldman Sachs a prévu de mettre de coté plus de 11 milliards de dollars (soit environ 8 milliards d’euros), pour seulement 30.000 salariés, après avoir versé près de 5 milliards en 2008, année de crise mondiale, mais dont la banque américaine a su tirer son épingle du jeu, avec des bénéfices de 2.3 milliards de dollars.
On pourrait également ajouter que les traders sont des sortes d’artistes de la finance, dont les salariés rivalisent avec les chanteurs, les acteurs de cinéma ou les footballeurs.
Les banques n’étant pas des philanthropes, elles sont prêtes à payer cher des vedettes qui leurs procurent des revenus colossaux, en moyenne (ce qui n’exclut pas des pertes substantielles, certaines années) ; en effet, les bénéfices réalisés par la partie activités d’investissement et de marché d’une banque universelle peuvent atteindre 40% à 50% des revenus totaux.
Ce qui ne veut pas dire qu’une règlementation soit inutile ! Car, il faut éviter, ainsi que l’histoire récente l’a montré, de tomber dans le piège du court- termisme et de la spéculation effrénée. Et les nouvelles règles proposées fin août apparaissent cohérentes, à savoir : interdiction de bonus garantis au-delà d’un an; étalement des versements de la moitié des bonus sur 3 ans ; mise en place d’un système de malus, en cas de pertes ultérieures ; paiement d’une partie des bonus en titres de la banque.
Cependant, il importe que ces règles d’encadrement soit harmonisées, au niveau mondial, car la concurrence pour débaucher les meilleurs talents est féroce (cf.les transferts dans le monde du football) et il est indispensable que cette compétition reste « fair » (transparente), c’est-à-dire avec les mêmes règles du jeu. Cette harmonisation sera l’un des chantiers principaux qui sera abordé, lors de la prochaine réunion du G20, à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre, à l’instigation surtout des Européens (France, Allemagne).
Au delà de l’instauration d’une autorégulation par le secteur bancaire, il est possible également d’envisager un plafonnement implicite des bonus, tout au moins tant que la crise n’est pas terminée. Pour l’avenir, un débat plus complexe devra être initié : il aura pour objet de répondre aux questions suivantes : quelle est la rentabilité réelle des opérations de marché pour une banque et la part provenant directement des « talents » des traders ?
Quelles peuvent être à terme les répercussions d’excès, en matière de paiement de bonus, sur l’image de la banque (capital »immatériel ») et donc sur l’évolution de son titre, à une époque où les préoccupations éthiques (investissements ISR) se développent partout, sachant que les performances des traders ont un impact réel sur la rentabilité d’une banque, mais aucune contribution sociétale (contrairement aux chanteurs et aux footballeurs) ?
Bernard Marois
Professeur Emérite à HEC
Président du Club Finance