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Les marchés vus par les professionnels de la finance mars 2014




Café de la Bourse vous propose une revue des marchés actions du point de vue des professionnels de la finance. En ce mois de mars, au-delà de la volatilité ponctuelle induite essentiellement par des tensions géopolitiques, les gérants ne remettent pas fondamentalement leurs prévisions en questions. En bonus : un focus sur la quête de rendement obligataire.

Revue des marchés actions

Peu chagrinés par des statistiques économiques en demi-teinte venues de Etats-Unis – la faute revient au mauvais temps – les asset managers considèrent que le contexte macroéconomique demeure favorable à la classe d’actifs actions. En termes de répartition géographique, si la pondération des actions européennes peut varier d’une société de gestion à une autre, elle demeure le plus souvent un choix préférentiel.

Zone euro

La lenteur du processus de reprise en zone euro ne décourage les professionnels. Ils constatent tous la pérennité d’un taux de chômage élevé (sauf en Allemagne et au Royaume-Uni) et la difficulté pour la production industrielle de repartir nettement à la hausse. L’insuffisance du crédit bancaire, qui pénalise en premier lieu les entreprises, et donc l’emploi et les investissements, ne semble pas montrer de signes d’amélioration à court terme, selon Philippe Ithurbide, Directeur Recherche, Stratégie et Analyse chez Amundi. Ce qui n’empêche pas ce dernier de surpondérer les actions de la zone euro dans son portefeuille modèle théorique, dans la mesure où tous les pays de la zone euro afficheront en 2014 une croissance – au moins faiblement – positive.

Pour La Française AM, les garanties affichées par la BCE, les nouveaux mécanismes de soutien financier et de surveillance budgétaire ainsi que les efforts de compétitivité-coût dans les pays périphériques (en Espagne notamment) ont éloigné la menace de tensions.

La zone euro suscite également une certaine confiance au sein du comité d’investissement mensuel de mars de Natixis Asset Management, qui considère que les perspectives industrielles s’améliorent en zone euro, de manière cohérente avec l’essor retrouvé du commerce mondial depuis la mi-2013. Cette société de gestion n’anticipe pas de dégradation de la situation et maintient une vision positive sur les actions des pays avancés, “ particulièrement sur les valeurs petites et moyennes de la zone euro”. Il reste que celles-ci voient leur poids réduit à 8% en mars contre 10% au mois de février dans le portefeuille modèle théorique de Natixis AM. Ce choix s’explique par une recherche de diversification géographique vers les marchés suisse et anglais face aux risques induits par un regain de tensions en Ukraine.

En outre, les actions américaines continuent de constituer le premier poste dans l’allocation actions, avec une proportion de 14,5%.

États-Unis

Natixis AM estime en effet que la fragilité constatée sur l’économie américaine en janvier et février n’est que passagère et essentiellement due aux mauvaises conditions climatiques. La croissance pourra difficilement atteindre le chiffre attendu en 2014, néanmoins, aucune rupture ne peut être constatée au sein de la dynamique du secteur manufacturier, notamment des commandes de biens d’équipement

Même analyse chez La Française AM, qui ne voit pas de raisons de mise en cause des mécanismes de la reprise, tout en demeurant attentive à la publication des prochaines données de conjoncture : “ Les actions américaines, bien que moins attractives en termes de valorisation relative, restent présentes en portefeuille, compte tenu de la visibilité sur la croissance et de la moindre volatilité de ce marché”, conclut-elle dans une lettre d’informations parue début mars.

Les Etats-Unis, aidés par leur demande intérieure, demeurent le moteur actuel de l’embellie économique des pays avancés. Les valorisations des actions demeurent à des niveaux encore attractifs. Pour Amundi, tant que l’indice S&P 500 n’affiche pas des PER de 18 fois les profits des 12 mois précédents – le chiffre actuel atteint environ 16 – , l’équilibre risque-rendement demeure favorable à l’investissement en actions américaines.

Japon

Le Japon est loin de susciter un enthousiasme partagé. Les yeux rivés sur des réformes structurelles au long cours, Shinzō Abe a quelques difficultés à obtenir des résultats dans le présent. Natixis AM remarque que la dynamique de l’économie japonaise s’est étiolée tout au long de l’année 2013, la croissance passant – en rythme annuel – de 4,8% au premier trimestre à 1% au quatrième. Ni les exportations ni la consommation des ménages ne redémarrent franchement et l’imminente hausse de la TVA ne fait qu’ajouter aux incertitudes. Ainsi, l’allocation en actions japonaises ne représente que 3% dans le portefeuille modèle théorique, encore moins que le mois passé (4%).

Du côté d’Amundi, les inquiétudes quant à la dynamique de croissance sont tout aussi présentes, d’autant que l’investissement demeure atone. Or sans croissance, comment les marchés d’actions pourraient-ils continuer de progresser ? Les prochaines semaines seront déterminantes pour l’orientation économique du Japon, avec l’annonce probable de mesures supplémentaires de quantitative easing de la Bank of Japan ainsi que de nouvelles réformes structurelles dans le cadre de la troisième flèche de la politique Abenomics visant à relancer la croissance à long terme.

Malgré ce manque de visibilité, les asset managers n’opèrent pas de repositionnements massifs au détriment des actions japonaises. Les craintes formulées ne portent pas sur le très court terme, mais davantage sur la capacité à moyen et long terme de cette économie à renouer durablement avec la croissance.

Pays émergents

Comme l’explique Philippe Ithurbide, dans l’édition de mars de la publication intitulée Convictions diffusée par Amundi, les économies émergentes doivent faire face :

  • à la fin progressive du QE américain
  • à des anticipations de remontée des taux longs américains
  • à une dégradation de leurs propres fondamentaux économiques : vulnérabilité financière dans certains pays, faiblesse de la devise dans d’autres, craintes inflationnistes, excès de crédit…

C’est pourquoi les gérants professionnels sont depuis quelques mois attentifs à la sélection de valeurs européennes peu exposées aux pays émergents les plus en risque. Quant aux actions émergentes elles-mêmes, elles demeurent généralement sous-pondérées, voire absentes des allocations des sociétés de gestion. Amundi affirme d’ailleurs les sous-pondérer fortement dans la mesure où elles sont actuellement trop risquées. La société privilégie en la matière les pays ou zones moins vulnérables tels le MENA (Moyen-Orient, Afrique du nord) et la Chine.

Natixis AM remarque qu’après un début d’année marqué par une accumulation de mauvaises nouvelles (déception sur le PMI en Chine et craintes autour du shadow banking, forte volatilité des devises…), “la performance des marchés émergents s’est stabilisée en février”, peut-être sous l’effet de statistiques économiques américaines décevantes qui “plaident pour une gestion contrôlée de la sortie du quantitative easing”. Son opinion est neutre à court terme en raison d’un climat de défiance à l’égard des pays émergents en général, mais elle distingue les pays attractifs : Taiwan, Thaïlande, Philippines, Mexique, Pérou et ceux qui ne le semblent pas : Inde, Malaisie, Brésil, Turquie et Afrique du Sud.

La Chine recueille la confiance d’une majorité d’asset managers, qui voient essentiellement dans la décision de laisser évoluer le yuan dans une fourchette de plus ou moins 2% une illustration supplémentaire du rééquilibrage volontariste de la croissance.

Focus mars 2014 : la quête de rendement obligataire

S’il est une conviction partagée par la plupart des gérants professionnels, c’est que la BCE n’a aucune intention de revenir sur sa politique accomodante au vu des tensions déflationnistes qui hantent la zone euro. Face à des rendements souverains en baisse continue, y compris dans les pays périphériques, les investisseurs professionnels sont en quête continue de spreads. Dans ce contexte, Amundi choisit, pour ce qui concerne l’obligataire souverain, de surpondérer encore les titres de l’Etat italien et, dans une moindre mesure, ceux de l’Etat espagnol, par rapport aux titres des pays du coeur de l’Europe. Natixis privilégie elle aussi l’Espagne et rappelle que les rendements à 10 ans en Espagne et en Italie ont rejoint les niveaux historiques bas de 2005 (3,40%).

Outre la dette souveraine des Etats périphériques en phase de re-convergence, les asset managers jouent la carte des obligations d’entreprises (crédit), en particulier celles appartenant à la catégorie high yield (émetteurs moins bien notés que ceux de la catégorie investment grade), plus rémunératrices. Comme l’explique Sergio Bertoncini, de l’équipe Stratégie et Recherche Économique d’Amundi, “ avec la compression très importante des spreads des emprunts d’États périphériques et des obligations d’entreprise investment grade de la périphérie européenne sur les échéances courtes, les obligations high yield sont devenues la principale source de spread à court terme encore à disposition des investisseurs”.

Cependant, une allocation de plus long terme devra privilégier la dette souveraine périphérique dans la mesure où les entreprises notées high yield n’émettent que peu de titres à longue échéance : “les emprunts d’État de la périphérie sont toujours plus performants que les autres titres à duration plus longue en termes d’instruments disponibles et de valorisations”, explique Sergio Bertoncini.

Tout en partageant cet attrait pour les actifs obligataires risqués – dette périphérique, crédit, high yield – Natixis AM met en garde contre les risques liés au positionnement massif des investisseurs sur les dettes périphériques, qui peut déboucher sur une forte instabilité en cas de prises de bénéfices (dues à la perspective d’une hause des taux américains).

En outre, la volatilité qui règne depuis quelques semaines sur le marché des actions n’épargnera pas nécessairement le marché des obligations d’entreprise, dans la mesure où la santé des pays émergents apparaît, nous l’avons vu, incertaine, et où l’actualité politique peut toujours s’avérer riche en rebondissements, notamment en Ukraine.

© Cafedelabourse.com

Les informations ci-dessus sont données à titre pédagogique. Elles ne constituent en aucun cas des recommandations d’investissement. Le lecteur se doit d’étudier les risques avant d’effectuer toute transaction. Il est seul responsable de ses décisions d’investissement.