En 2011 les dirigeants du monde ont passé probablement plus de temps à s’inquiéter de la crise dans la zone euro que de tout autre cause.
Et pourtant 2011 a été une année riche en événements : printemps arabes, tsunami au Japon, élimination d’Oussama Ben Laden. Et 2012 s’annonce aussi chargée. Les gouvernements travaillent actuellement d’arrache-pieds pour établir de nouvelles règles pour limiter leur endettement.
Mais est-ce vraiment la solution à la crise ?
La pays de zone euro ont conclu un nouveau pacte fiscal
Les dirigeants de la zone euro se sont mis d’accord sur des règles contraignantes, à l’insistance de l’Allemagne, pour limiter à 3% du PIB le déficit public des gouvernements. L’objectif avoué étant d’empêcher les Etats d’accumuler trop de dette et d’éviter ainsi une autre crise financière.
Mais ne s’étaient-ils pas déjà engagés à la même chose dans les années 1990 ?
Ils se sont mis d’accord sur cette même limite de 3% en 1997, lors de l’établissement de l’euro. La « pacte de stabilité et de croissance » avait été instauré suite à l’insistance du ministre allemand des finances Theo Waigel.
Qu’est-il donc advenu de ce pacte ?
Qui a respecté les règles ?
L‘Italie est le plus mauvais élève. Le gouvernement italien a régulièrement dépassé la limite de 3%. En fait, l’Allemagne – avec l’Italie – a été le premier grand pays a enfreindre cette règle des 3%.
Après ça, ce fut au tour de la France. Parmi les grandes économies de la zone euro, seule l’Espagne est restée réglo jusqu’à la crise financière de 2008. Madrid était restée dans les clous depuis la création de l’euro en 1997 jusqu’en 2007.
Et des quatre grands pays, c’est aussi le gouvernement espagnol qui a la plus petite dette par rapport à la taille de son économie.
La Grèce, elle, fait partie d’une classe à part. Elle n’a jamais respecté la limite des 3%. Au lieu de cela, elle a maquillé ses comptes, avec l’aide de Goldman Sachs, pour masquer une grande partie de sa dette, pour pouvoir entrer dans l’euro. La supercherie n’a été révélée qu’il y a deux ans.
Mais les marchés ont d’autres idées
En toute logique, l’Allemagne, la France et l’Italie auraient donc dû se retrouver en difficulté à cause de leur endettement facile, tandis que l’Espagne aurait dû récolter les fruits de sa discipline budgétaire.
Eh bien, en fait, non. En réalité, c’est Allemagne qui fait figure de « valeur sûre », de « refuge ». Depuis le début de la crise, les marchés lui prête de l’argent à des taux historiquement bas. En revanche, les marchés voient d’un mauvais oeil l’Espagne, qui apparaît presque aussi risquée que l’Italie.
Comment ça se fait ?
Alors qu’est-ce qui a causé la crise de la zone euro ?
D’énormes quantités de dette se sont empilées en Espagne et en Italie avant 2008, mais ce n’était pas le fait des gouvernements.
En fait, c’est le secteur privé, c’est-à-dire des entreprises et des particuliers – qui s’endettaient. Les taux d’intérêts étaient tombés à des niveaux historiquement dans les pays méditerranéens depuis leur adoption de l’euro. Et cela a encouragé un boum économique fondé sur la dette.
Bonne nouvelle pour l’Allemagne
Toute cette dette a aidé à financer de plus en plus d’importations en Espagne, en Italie et en France.
Dans le même temps, l’Allemagne a renforcé sa position de grande économie exportatrice après la création de l’euro, vendant de plus en plus de biens au reste du monde, dont les pays du sud de l’Europe, sans pour autant importer plus. L’Allemagne a donc accumulé d’énormes quantités de cash grâce ses exportations, cash qui fut ensuite prêté … aux pays d’Europe du Sud.
Mauvaise nouvelle pour l’Europe du sud
Mais pour l’Italie et l’Espagne, la dette n’est qu’une partie du problème. Pendant le boum économique, les salaires ont fortement augmenté dans l’Europe du sud, ainsi qu’en France. Mais les syndicats de travailleurs allemands, eux, ont accepté de garder les mêmes salaires.
Un épineux dilemme
En somme, la dette étatique, qui a explosé avec la crise financière de 2008, n’est pas la cause de la crise de la zone euro, en particulier en Espagne (le cas de la Grèce est la seule exception).
Même si cette fois-ci les gouvernements respectent vraiment les règles de bonne conduite budgétaire, cela ne garantit en rien d’éviter qu’une crise similaire ne se produise à nouveau.
L’Espagne et l’Italie sont maintenant en récession, parce que personne ne dépense. Les entreprises et les ménages sont trop occupées à rembourser leurs dettes pour pouvoir consommer plus. Les produits nationaux sont peu compétitifs à l’export. Et maintenant les gouvernements aussi réduisent leurs dépenses.
Réduisez les dépenses …
… et vous aggravez la récession en cours.
Ce qui se traduit par plus de chômage (plus de 20% en Espagne). In fine, cela devrait entraîner des baisses de salaires à des niveaux plus compétitifs, bien que l’histoire montre que c’est très difficile à faire.
Et même si cela arrivait, les gens auraient plus de mal à rembourser leurs dettes, ce qui veut dire qu’ils réduiront probablement d’autant leurs dépenses, ou cesseront de rembourser.
Et des baisses de salaires pourraient ne pas résulter en une reprise rapide des exportations, si vos clients européens sont eux aussi en récession.
Dans tous les cas, attendez-vous à des grèves générales et des manifestations, et des investisseurs inquiets de savoir si vous resterez dans la zone euro ou non.
Ne réduisez pas les dépenses …
… et vous risquez un effondrement financier.
Les sommes que vous empruntez chaque année ont explosé depuis 2008, à cause de la crise économique et du chômage. Mais votre économie souffre d’un manque chronique de compétitivité au sein de la zone euro. Les marchés perdent donc confiance en vous et doutent de votre capacité à supporter une dette toujours plus grosse.
Dans le même temps, les autres gouvernements européens n’ont pas assez d’argent pour vous sauver, et le mandat de la Banque centrale européenne ne lui permet pas de le faire.
Et si la BCE ne peut pas vous prêter, qui le ferait ?
Laurent Curau