Quel est le niveau d’inquiétude des investisseurs quant aux dettes de certains pays européens ?
Afin de mesurer le niveau d’inquiétude des investisseurs, l’agence Bloomberg a lancé un sondage global à destination des professionnels de la finance dont les résultats ont été publiés en fin de semaine passée. A la question : “une banqueroute est-elle probable ?”, ils ont répondu “oui” à 51% pour l’Irlande, à 71% pour la Grèce et à 38% pour le Portugal, ce qui signifie que seulement 49% d’entre eux estiment qu’un défaut est peu probable pour l’Irlande.
Au-delà des inquiétudes sur les finances des pays cités, les professionnels manifestent leurs inquiétudes quant au spectre de la contagion à d’autres nations jusque là épargnées et à l’efficacité du plan d’aide européen si ces pays, notamment le Portugal et la Grèce, devaient à nouveau subir les “attaques” des marchés financiers.
Toutefois, comme l’ont récemment souligné les dirigeants irlandais, le financement de l’Etat est assuré jusqu’à l’année prochaine et le pays n’aurait pas besoin de tirer des fonds du programme de soutien du FMI. A ce titre, rappelons que le pays peut bénéficier du fonds de stabilisation européen soutenu par le FMI (750 milliards d’euros).
Ces inquiétudes ont évidemment plombé la monnaie européenne qui se traitait à moins de 1,36$ en fin de semaine passée. La devise a cédé plus de 1,3% en 24 heures et plus de 4,5% en une semaine, ce qui démontre le caractère excessif des réactions du marché alimentées par ces fameuses rumeurs de sauvetage. Les ministres du G20 ont par ailleurs réagi à la situation, Angela Merkel s’est dite “prête à répondre, quel que soit le scénario de la crise financière que traverse actuellement l’Irlande”.
Quelles perspectives à court terme ?
Depuis fin août, les marchés internationaux affichent une tendance haussière quasiment sans pause. Il est difficile de remettre en cause cette évidence. Les indices majeurs ont retrouvé leurs niveaux d’avant la faillite Lehman de l’été 2008.
Même si la fragilité de cette tendance est palpable et que les arguments allant à l’encontre du mouvement ne manquent pas (la guerre des changes, l’emploi, la consommation, etc.), les investisseurs modifient leurs comportements comme si le traumatisme causé par les chutes spectaculaires des marchés financiers semblait s’estomper. Jusque là délaissés, les actifs décotés comme les actions européennes retrouvent l’intérêt de ces derniers.
Qu’est-ce qui stimule l’enthousiasme ?
Les taux d’intérêt historiquement bas, la reprise certes timide de la croissance mondiale toujours sous l’impulsion des émergents et les solides résultats des entreprises des deux côtés de l’Atlantique qui affichent pour beaucoup une profitabilité record sont autant d’arguments qui soutiennent la dynamique depuis la rentrée.
Cette inertie positive pourrait perdurer les prochains mois. En effet, les banques centrales ne pouvant plus baisser les taux d’intérêt déjà proches de 0, les marchés se sont raccrochés à de nouveaux catalyseurs comme l’injection de liquidités dans les marchés en faveur de l’économie par la Fed (banque centrale US) avec un plan de rachats massifs d’obligations du Trésor jusque juin 2011.
Rappelons que même si le projet a de nombreux détracteurs, des actions similaires avaient été entreprises avec succès en 1933. La Fed avait ainsi pu modifier le comportement des consommateurs et des entreprises et conduire à la hausse le niveau de dépenses.
Par ailleurs, selon la dernière enquête trimestrielle de Fitch Ratings, les entreprises devraient davantage investir dans les fusions/acquisitions, les paiements des dividendes et les rachats d’actions. Ainsi, les investisseurs anticipent des dépenses importantes. Les anticipations ont bondi de 76% contre 58% au 3eme trimestre, les attentes sur les dépenses en dividendes sont de 72% contre 49% et celles sur les rachats d’action de 58% contre 34% précédemment. L’enquête suggère que les investisseurs sont confiants quant au niveau de dépenses des entreprises soutenues par une amélioration des perspectives économiques.
Sentiment conforté par l’enquête du célèbre cabinet Mergermarket : ce dernier fait état d’une progression de 363% des opérations de fusions et d’acquisition sur les 9 premiers mois de l’année et de 140% en volume comparé à la même période 2009.
Il fait apparaître également le retour de très grosses transactions de plus de 500 millions d’euros avec 17 opérations cette année contre 10 seulement en 2009. L’activité est aussi en forte progression en France malgré les difficiles conditions de financement. Les entreprises trouvent leurs financements dans les appels publics à l’épargne…
Thierry Lou