L’Islande se remet de façon spectaculaire de sa crise financière alors que le reste de l’Europe reste englué dans la croissance zéro. Comment diable les Islandais ont-ils réussi cet exploit ?
Peu de pays ont explosé de manière aussi spectaculaire que l’Islande au cours de la crise financière de 2008. La Bourse islandaise a plongé de 90%, le chômage a été multiplié par neuf, le taux d’inflation a bondi à plus de 18%, et toutes les plus grandes banques du pays ont fait faillite. Il ne s’agissait pas d’une simple récession mais d’une véritable dépression.
Depuis, l’Islande a rebondi de manière impressionnante :
- Le pays a remboursé tous ses prêts au FMI, en avance.
- L’économie islandaise va enregistrer une croissance de 2,5% pour 2012, beaucoup mieux que la plupart des économies développées.
- Le chômage a diminué de moitié.
- Le FMI prévoit que le gouvernement présente un solde primaire (avant paiement des intérêts de la dette publique) en excédent de 1,5%.
- En février dernier, l’agence de notation Fitch Ratings a relevé la note souveraine du pays à BB+ (« investment-grade »), soulignant le caractère peu orthodoxe de la réponse du pays à la crise.
Comment diable les Islandais ont-ils réussi cet exploit ?
1. Aide aux propriétaires immobiliers surendettés
Aux Islandais dont le crédit dépasse la valeur de leur maison, le gouvernement islandais offre d’effacer toute la dette supérieure à 110% de la valeur de leur maison. Le gouvernment fournit aussi des subventions pour réduire les dépenses liées aux remboursements des intérêts. Les Islandais aux revenus les plus faibles, avec des enfants, et avec les maisons de plus faible valeur, reçoivent un plus grand soutien financier.
2. Redénomination des dettes extérieures en monnaie locale dévaluée
En juin 2010, la Cour Suprême islandaise accorde un répit supplémentaire aux emprunteurs : les prêts bancaires en devises étrangères sont déclarés illégaux. Parce que la valeur de la couronne islandaise a plongé de 80% pendant la crise, le coût du remboursement des dettes extérieures a plus que doublé. La décision de la Cour Suprême permet aux gens de rembourser les banques comme si leurs crédits étaient dénominées en monnaie locale.
Les Islandais ont réfusé deux fois par referendum de rembourser leurs créanciers étrangers, lesquels ont porté plainte auprès de la Cour européenne de justice.
Ces mesures permettent aux particuliers d’effacer une partie de leurs dettes, pour un montant équivalent à 13% du PIB du pays. Cela leur permet de dépenser leur argent sur d’autres choses. Ce n’est pas un hasard si le FMI dit que la reprise de l’économie repose sur la demande intérieure.
3. Pas de « too big to fail »
En ce qui concerne le secteur financier, l’Islande n’a jamais eu les moyens d’appliquer la doctrine du « too big to fail » (« trop gros pour faire faillite ») tel que l’ont fait les gouvernements européens et américain en sauvant leurs géants bancaires.
Le montant des actifs des trois plus grandes banques islandaises avait atteint l’équivalent de neuf fois le PIB du pays. Après avoir fait défaut, le gouvernement en a pris le contrôle.
4. Les banksters poursuivis en justice
Les autorités islandaises ont poursuivi en justice les responsables de la crise.
Mené par Johanna Sigurdardottir, un nouveau gouvernement a entamé une campagne de poursuites judiciaires à l’encontre des banquiers « néo-Vikings » en grande partie responsables de la crise. Au lieu de faire appel à un cabinet juridique de la capitale, le gouvernement est allé chercher un avocat-procureur dans un village éloigné.
Bien que de nombreux banquiers ont quitté le pays pour échapper aux poursuites, les anciens dirigeants de deux des trois plus grandes banques du pays ont été incriminé. Ils attendent aujourd’hui leur procès.
L’approche islandaise de la crise est diamétralement opposée à celle des Etats-Unis et du reste de l’Europe, qui ont choisi de sauver les grandes banques plutôt que les petits emprunteurs.
Une recette difficile à transposer telle quelle
L’Islande compte seulement 320 000 habitants, et son économie est fondée sur la pêche, le tourisme et la production d’aluminium. Pour ces raisons, je concède volontiers que la recette islandaise n’est pas transposable telle quelle à d’autres pays, mais le rebond spectaculaire du pays est la preuve indéniable qu’il existe d’autres chemins de sortie d’une crise financière.
Le chemin de la reprise est encore long
La banqueroute et la dévaluation sont tout sauf une partie de plaisir. L’Islande panse encore ses plaies. La dette publique est encore très élevée (100% du PIB). Face à la pénurie d’emplois qualifiés, de nombreux professionnels ont quitté le pays pour le Danemark et la Norvège. Les autorités travaillent à assouplir progressivement le contrôle des changes qui a empêché les investisseurs étrangers de transférer hors du pays près de 8 milliards de dollars. A 4,50%, le taux d’inflation annuel reste élevé.
Pour lutter contre celle-ci, et contre la fuite des capitaux, la banque centrale islandaise a relevé ses taux directeurs cinq fois cette année. Mais la hausse des taux freine la croissance de l’économie.
La route est encore longue. Le défaut, les faillites et la dévaluation ne sont jamais une sinécure, mais cela semble toujours préférable à une récession dont personne ne sait comment sortir.
Laurent Curau
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