L’économie islandaise va bien, merci. La crise financière ? Même pas mal. Le gouvernement islandais a même annoncé la semaine dernière que le pays a remboursé en avance certains prêts du FMI. Les insolents. Comment ont-ils réussi ce tour de force ? Indice : non, ce n’est pas grâce à la magie des elfes.
Les Islandais, qui lançaient des pierres sur leur parlement en 2009 en sommant leurs dirigeants et leurs banquiers d’assumer leur responsabilité dans l’effondrement financier du pays, récoltent les fruits de leur colère.
Pour de nombreux économistes, l’Islande constitue un cas d’école de la bonne marche à suivre pour sortir d’une crise financière. Les mesures mises en place depuis 2008, quand les banques du pays ont fait défaut sur 85Mds$, ont prouvé leur efficacité.
Depuis fin 2008, les banques de l’île ont effacé une part de la dette de leurs clients, pour un montant équivalent à 13% du PIB, allégeant l’endettement de plus de 25% de la population, d’après un rapport publié en le mois dernier par la Icelandic Financial Services Association.
S’assurer contre un défaut de l’Islande coûte aujourd’hui autant que pour se protéger d’un défaut de la Belgique. La plupart des récents sondages montrent à présent que les Islandais ne souhaitent pas devenir membre de l’Union européenne, dans sa 3e année de crise.
Les ménages islandais ont été aidés par un accord entre le gouvernement et les banques d’effacer les dettes excédant 110% de la valeur de leur maison.
En plus de ça, en 2010, la cour suprême du pays a jugé illégale l’indexation de prêts sur des devises étrangères, signifiant que les ménages n’ont plus à couvrir les pertes liées au change.
Les leçons de la crise
Sans allègement de l’endettement des ménages, les propriétaires fonciers se seraient serré la ceinture à l’extrême, avec des taux d’endettement soudain à 240% en 2008.
L’économie islandaise, de 13 milliards de dollars, qui s’est contractée de 6,7% en 2009, a renoué avec la croissance dès 2011 (+2,9%). Elle devrait croître de 2,4% en 2012 et d’autant l’année suivante, selon l’OCDE. A titre de comparaison, l’économie de la zone euro va croître cette année d’un ridicule 0,2% (et de +1,6% en moyenne pour les pays de l’OCDE).
Les prix du logement sont maintenant inférieurs de seulement 3% par rapport à septembre 2008, juste avant la crise.
Il y a quelques semaines, l’agence de notation Fitch a redonné l’Islande sa note de crédit « investment grade », avec une perspective stable, soulignant que « les mesures peu orthodoxes mises en oeuvre ont réussi ».
Les gens avant les marchés
L’approche islandaise de résolution de la crise a placé l’intérêt de sa population avant celui des marchés, à chaque étape du chemin.
Quand il devient clair en octobre 2008 qu’il est impossbile de sauver les banques, le gouvernement descend dans l’arène, crée un pare-feu autour des comptes bancaires du pays, et laisse les créanciers étrangers se débrouiller seuls.
Ensuite, la banque centrale impose un strict contrôle des changes pour empêcher une chute de la couronne islandaise, et de nouvelles banques, sous contrôle de l’état, sont créées à partir des restes des anciennes banques qui ont fait faillite.
Conséquences légales
Le procureur spécial islandais a dit que 90 personnes pourraient être condamnées, et 200 autres, dont les anciens PDG des trois plus grandes banques du pays, doivent répondre d’accusations au pénal.
Larus Welding, ancien PDG de ce qui fut la 2e banque du pays, a été condamné en décembre pour avoir octroyé des prêts illégaux et attend son procès.
Rien de tout cela aux Etats-Unis, où aucun dirigeant de banque n’a été poursuivi pour son rôle dans la crise des subprimes. La Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur de Bourse américaine, a seulement « sanctionné » 39 dirigeants.
En deux mots, si les ménages sont insolvables, les banques doivent en assumer pleinement les conséquences, quels que soient les intérêts des banques.
Laurent Curau