Le secteur biotech semble être la nouvelle coqueluche des introductions en Bourse à Paris cette année. Après les IPO réussies d’Intrasense, Mauna Kea ou encore Novacyt, c’est le spécialiste du diagnostic Theradiag qui s’apprête à faire ses premiers pas sur Nyse Alternext. A cette occasion, nous avons rencontré Michel Finance, Directeur Général de Theradiag.
Le théranostic : le diagnostic du futur
Theradiag est depuis vingt cinq ans dans le diagnostic in vitro mais vous vous êtes lancés, il y a deux ans, dans le théranostic. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le théranostic ?
Le théranostic est la composition de deux mots : thérapeutique et diagnostic. Ce sont des tests sanguins (partie diagnostic) pour mesurer l’efficacité des traitements sur les maladies auto-immunes (partie thérapeutique). Les principales maladies auto-immunes sont la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn, la psoriasis et le lupus.
Le théranostic permet aux médecins de choisir le type de médicament à utiliser avant de traiter le patient. Le médecin sait en amont si le patient va bien réagir ou non au médicament. De plus, le théranostic permet de savoir si le traitement sera efficace dans la durée. En effet, 30% à 40% des traitements des malades auto-immunes ne sont plus efficaces au bout d’un certain temps. Pour une raison indéterminée, le système immunitaire du patient reconnaît que le médicament est un corps étranger et génère des anti-corps contre ce médicament. Ces anti-corps annulent complètement la thérapie et les effets de la maladie reprennent alors le dessus.
Le rôle de Theradiag et du théranostic est donc de développer des tests adaptés à un médicament en particulier (partie diagnostic) pour apporter aux médecins des indications qui permettent d’adapter le traitement à chaque patient (partie thérapeutique). C’est ce qu’on appelle la médecine personnalisée.
Quels sont les attraits de ce nouveau marché du théranostic ?
L’importance du théranostic ne se limite pas simplement à une question d’efficacité. C’est aussi une question d’économie. En dix ans, ces médicaments sont devenus la troisième classe thérapeutique en France : c’est un marché estimé à un milliard d’euros en France et à 21 milliards de dollars dans le monde.
Il y a donc un enjeu très important pour le patient, bien évidemment, pour le médecin mais aussi pour le système de santé, que ce soit un système public comme en France ou un système de remboursement par mutuelles privées comme aux États-Unis.
Quelle est l’importance de l’activité théranostic pour Theradiag ?
Le théranostic peut devenir à terme l’activité numéro un de la société.
Tout d’abord, par l’importance du traitement en soi. La majorité des médicaments mis sur les marchés depuis maintenant cinq ans sont issus de la bio-thérapie. Ces médicaments entraînent, trois fois sur quatre, une réaction du système immunitaire. Le bénéfice clinique pour le patient est alors moindre et le coût des traitements inefficaces est prohibitif. Il y a donc un vrai besoin de monitorer les bio-thérapies : connaître l’éligibilité d’un patient à un traitement et mesurer l’efficacité du traitement sur le long terme. C’est ce qu’on fait avec le théranostic.
Ensuite, on veut valoriser davantage nos atouts par rapport à nos concurrents. Theradiag est déjà expert du diagnostic des maladies auto-immunes et notre objectif est de garder l’avance que nous avons. Nous sommes non seulement premiers en terme de qualité, technicité et de rapidité de mise sur le marché du théranostic. Avec cette IPO, nous voulons développer plus rapidement le théranostic pour être toujours en avance sur nos concurrents.
Theradiag a aussi l’avantage d’être capable de gérer l’ensemble de la chaîne de valeur du diagnostic.
“L’Introduction en Bourse (IPO) n’est pas une fin en soi mais le démarrage d’une nouvelle phase de développement encore plus importante.”
Les biotechs se pressent sur les marchés, malgré la crise. Theradiag sera la septième biotech à entrer en Bourse à Paris cette année. Comment interprétez-vous cette “course” aux marchés ?
Pour moi c’est véritablement un signe de bonne santé du secteur.
Si on compare le secteur biotech en France par rapport à l’Angleterre ou aux États-Unis, nous avons encore un nombre limité de sociétés côtés en Bourse. Cependant, le réseau et la recherche biotech en France sont très importants : il y a environ 350 sociétés biotechs françaises. On approche les 30 sociétés med-techs/biotechs françaises cotées en bourse. C’est un signe de maturité du secteur. Il y a quatre ans, il n’y en avait qu’une douzaine et il y a 15 ans il y avait seulement deux sociétés biotechs cotées en Bourse.
D’autre part, les biotechs sont des sociétés qui ont des besoins de financement importants. Quand on est dans un certain stade de développement, comme est le cas de Theradiag, il est nécessaire d’aller plus loin vite plus : la Bourse est un excellent élément d’accélération.
En fait, les biotechs qui se lancent en Bourse sont de petites sociétés de 100 à 300 millions d’euros de capitalisation. Ce sont donc des IPO qui nécessitent de lever moins de fonds que celles de sociétés d’autres secteurs, ce qui correspond à un atout dans le contexte actuel des marchés.
Pourquoi s’introduire en Bourse ?
Le principal objet de ce lancement en Bourse est le développement de notre nouvelle activité, le théranostic. L’activité de Theradiag est rentable mais elle ne génère pas assez de cash flow pour développer rapidement l’activité théranostic, où nous sommes déjà en avance par rapport à nos concurrents.
Il s’agit donc d’une IPO pour lever des fonds et non pas pour revendre une partie des actions. En faite, notre actionnaire principal Truffle Capital (qui détient actuellement 61% du capital de Theradiag) continue à accompagner la société et, si besoin est, s’est engagé à souscrire jusqu’à 3,2 millions d’euros d’investissement, soit près de la moitié du montant de l’opération.
Il faut aussi considérer que, pour une société comme Theradiag, qui réalise un tiers de son chiffre d’affaires à l’international (et on espère que se sera plus dans le futur), c’est plus facile de discuter d’égal à égal avec un partenaire américain quand on est côté en Bourse. Cela implique que nous sommes non seulement une société très innovante mais également structurée d’une manière claire et correcte, avec un minimum d’obligations et de respect des normes. On a plus de crédibilité que lorsqu’on est simplement financé par des fonds privés.
Theradiag veut devenir un des leaders mondiaux du théranostic
Quelles sont les perspectives de développement de Theradiag ?
Premièrement, on va renfoncer notre capacité de mise sur le marché de nouveaux produits. Actuellement, nos équipes de recherches dans le théranostic peuvent développer en moyenne trois nouveaux types de théranostic par an. Notre objectif est d’en développer deux fois plus. Nous prévoyons de pratiquement doubler notre département de R&D pour mettre plus de produits sur le marché.
Deuxièmement, nous allons investir pour être présent dans des séminaires médicaux et informer les cliniciens qui peuvent avoir intéret à utiliser nos kits de théranostic concernant le traitement du cancer que nous allons développer dans le futur.
Troisièmement, toujours dans le théranostic, nous avons acquis une petite société de R&D il y a six mois. Nous voulons affecter une partie des fonds levés avec l’IPO à ce laboratoire qui développe des kits de théranostic liés au traitement du SIDA.
Notre objectif est simple : sur la base de notre expertise du diagnostic classique, sur lequel nous avons déjà un important chiffre d’affaires et sommes rentables, nous voulons maintenant accélérer l’activité du théranostic. On veut encore amener l’activité du théranostic à une rentabilité comme celle que nous avons pour notre activité primaire du diagnostic classique.
Un message pour les investisseurs particuliers ?
Si nous avons les moyens, Theradiag peut aider à rendre les médicaments thérapeutiques plus efficaces et adaptés aux patients. Notre mission a un intérêt pour tous.
Interview réalisée par Teresa Marques
Créée en 1986, à l’initiative de deux anciens cadres de la société Abbott France, Biomedical Diagnostics (bmd) se destine, au départ, à une activité de distribution de diagnostics in vitro pour les maladies auto-immunes. Entretemps rebaptisée Theradiag, le groupe se lance en 2011 dans le théranostic, qui conçoit des tests sanguins pour mesurer l’efficacité des traitements dans les maladies auto-immunes.
Theradiag est basée à Marne la Vallée et compte un peu plus de 50 collaborateurs, dont de nombreux docteurs et PhD en biologie moléculaire ou biochimie. L’an dernier, Theradiag a réalisé un chiffre d’affaires de 10 millions d’euro.
Theradiag se lance en Bourse, sur le marché NYSE Alternext Paris, pour lever 6,5 millions d’euros. La clôture de l’opération aura lieu le 4 décembre, la fixation du prix le 5 décembre et le début des cotations le 11 décembre.
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