Donald Trump avait promis « un Brexit plus plus plus. » C’est arrivé ! Donald Trump remporte l’élection présidentielle américaine provoquant un véritable séisme. Café de la Bourse s’interroge sur les impacts économiques et financiers de cette surprise électorale et ses conséquences pour les investisseurs particuliers. Retrouvez notre dossier comprenant les analyses de 12 professionnels du secteur financier.
Conséquences financière et économique de la victoire de Trump
Donald Trump a été élu 45ème présidents des Etats-Unis, dépassant la barre fatidique des 270 délégués. Les Républicains bénéficient également de la majorité à la chambre des représentants et devraient garde le Sénat. Dans un premier discours rassembleur, il a salué son adversaire. Si les medias français parlent beaucoup de la montée du populisme et du caractère inattendu du résultat qui met fin à plusieurs mois de « dirty campaign », nous nous pencherons sur les conséquences économiques et financières de l’accession de Donald Trump au poste de 45ème Président des Etats-Unis, à commencer par son programme économique.
Relance économique : des propositions fantaisistes voire irréalistes
Donald Trump dans le discours qui a suivi l’annonce de sa victoire a déclaré : « Nous allons embarquer dans un projet de croissance et de renouveau national. […] Nous allons doubler la croissance et nous aurons l’économie la plus forte au monde. […] Aucun rêve n’est interdit, aucun rêve n’est top grand.» Si ces affirmations semblent quelque peu exagérées, la relance keynesienne est elle bien prévue au programme. Il l’a d’ailleurs réaffirmé dans ce même discours : « Nous allons réparer nos centres urbains et reconstruire nos autoroutes, nos tunnels, nos ponts, nos aéroports, nos écoles. […] Nous allons reconstruire notre infrastructure, qui deviendra sans pair. […] Ca va être magnifique. »
Cette relance keynesienne s’explique pour Fidelity International par le fait que « La politique monétaire étant par beaucoup considérée comme étant proche de ses limites, le prochain levier à être actionné devrait être la relance budgétaire, en particulier, via les dépenses d’infrastructures. Après des décennies de sous-investissement dans les infrastructures, l’obsolescence des infrastructures américaines agit clairement comme une pédale de frein sur la croissance du PIB. »
Pour Mourtaza Asad-Syed, Directeur des Investissements de Yomoni, « Cette politique de « grands travaux » résonne chez les Keynésiens comme le remède pour sortir les économies du sous-équilibre hérité de la crise financière. Il n’en sera rien et les investisseurs qui en attendent beaucoup seront déçus, ces dépenses ne résultent pas de choix unilatéraux au niveau fédéral. Or, ces projets n’offrent qu’une rentabilité électorale négative pour les élus locaux, car les dépenses engagées sont immédiates, résultant souvent en une hausse de la fiscalité, alors que les bénéfices éventuels ne sont ressentis qu’à long terme, bien au-delà de la durée des mandats publics. Par ailleurs, bien malin celui qui saurait dire quels sont les équipements nécessaires dans vingt ans, alors que les changements technologiques font fortement évoluer les modes de vie. » Cette analyse est partagée par Herez, cabinet en gestion de patrimoine, pour qui « le plan de relance de Donad Trump devrait avoir un impact positif sur l’économie américaine à court terme. Sur le long terme, le creusement du déficit américain et la politique internationale pourraient avoir un impact très négatif sur l ‘économie mondiale ». La Francaise Asset Management souligne elle que si« H.Clinton et D.Trump proposent tous deux une relance budgétaire. Elle est logiquement différente quant aux bénéficiaires des mesures envisagées, financée pour H.Clinton mais non financée pour D.Trump.
Donald Trump : leitmotiv protectionniste et anti libre-échange
La campagne de Donald Trump a également été marquée par un discours très protectionniste et une position résolument isolationniste.
Cette posture protectionniste et isolationniste se manifeste notamment dans la volonté de démanteler les accords de libre-échange avec le Mexique et le Canada, construire une barrière physique avec ce même Mexique et renvoyer des millions d’immigrés. Mais pour Bruno Colmant, Chef Economiste, Banque Degroof Petercam « le véritable problème concerne la Chine et tout l’écosystème asiatique qui est le principal concurrent commercial des Etats-Unis, nonobstant le fait qu’une rivalité militaire émerge entre ces deux pays. »
Pour Bruno Colmant : « Trump menace d’entraîner les Etats-Unis dans une posture isolationniste qui est contraire au modèle de libre-échangisme et de multilatéralisme prôné par les Etats-Unis, à leur principal bénéfice, depuis plus d’un siècle ».
Il ajoute que « les républicains ont toujours été plus isolationnistes que les démocrates : le « Make Americain Great Again » de Trump est très proche du « America First » de Harding, le président républicain qui a succédé au démocrate Wilson. L’isolationnisme économique semble être une réponse à la concurrence industrielle étrangère, mais après quelque temps ses effets sont négatifs : maintien d’entreprises peu performantes, déclin de l’innovation, manque de confrontation avec la concurrence étrangère qui force toutes les entreprises à se surpasser, etc. Une posture protectionniste émanant de la principale puissance économique mondiale, est donc un facteur débilitant pour le commerce international d’autant que le monde devient multipolaire De surcroît, croire que le protectionnisme met fin aux délocalisations d’entreprises est un non-sens : la désindustrialisation n’est pas une affection américaine. Elle est commune à toutes les économies matures. »
Rien d’étonnant donc à ce que la plupart des investisseurs estime qu’une élection de Donald Trump serait une mauvaise nouvelle pour l’économie américaine. Selon FTI Consulting, « Plus des deux tiers des investisseurs professionnels pensent ainsi qu’une victoire de Donald Trump aurait un impact défavorable sur l’économie américaine. Une nette majorité (57%) des investisseurs particuliers partage cet avis. Un quart des particuliers anticipe néanmoins un impact favorable. » Même son de cloche chez ETF Securities qui souligne que « l’incertitude autour de l’agenda politique de Trump et l’augmentation possible des mesures protectionnistes pourraient peser sur le commerce mondial et, finalement, freiner les perspectives économiques mondiales ».
Un regain de volatilité sur les marchés financiers
Comme pour le Brexit, le décalage entre les attentes du marché et le résultat de l’élection met à mal les marchés financiers. La Victoire de Donald Trump amène avec elle son lot d’incertitudes. Or, les investisseurs détestent les incertitudes, d’où un regain de volatilité.
Fidelity International souligne en effet que « Dans la mesure où le scénario central du marché avait envisagé la victoire d’Hillary Clinton, cette victoire de Donald Trump a toutes les chances d’être à l’origine d’un épisode de volatilité dans un premier temps. » L’équipe commerciale Fidelity note elle aussi dans son communiqué spécial élections présidentielles américaines que « Une victoire de Trump pourrait être plus propice à un mouvement d’aversion au risque à court terme. »
La Française Asset Management avaient anticipé cette hausse de la volatilité : « Une victoire d’Hillary Clinton constituerait pour les marchés un scénario de continuité pour les fondamentaux américains, tant économiques que politiques, alors qu’un scénario Donald Trump ouvrirait une période d’incertitudes…que les marchés ne goûteraient guère ». Deutsche Asset Management partage cette analyse, affirmant que « la victoire de Donald Trump a réellement pris les marchés par surprises, comme le montre les première réactions des marchés. Nous nous attendons à ce que la volatilité des marchés se poursuive compte tenu de l’incertitude politique accrue ».
Pour Mourtaza Asad-Syed, Directeur des Investissements de Yomoni, cette volatilité s’explique par le caractère du candidat et le flou qui a entouré sa campagne : « Durant toute sa campagne spectaculaire, le candidat ne s’est posé aucune limite, ni dans la faisabilité, ni dans la bienséance, mais surtout sans aucune logique idéologique claire, ni aucune allégeance à un parti ou groupe de soutien qui le contraindrait à l’avenir. L’incertitude est donc totale sur la réalité de la présidence de Trump, d’autant plus qu’il faut se souvenir que le Trump droitier exubérant d’aujourd’hui était auparavant connu pour ses sympathies démocrates. »
La réaction inattendue des Bourses
Les différentes places mondiales ont dévissé après les résultats de l’élection présidentielle donnant Trump gagnant avant de se stabiliser. Les investisseurs semblent avoir désormais repris leurs esprits.
Ainsi la Bourse de Paris a perdu 3% à l’ouverture. En Asie, la Bourse de Tokyo a terminé en recul de 5,36%. Hong Kong a été en retrait de 2,76 %. La Bourse de Francfort a lâché presque 3% à l’ouverture. Et pourtant, le retour à la normal semble déjà être là. À paris, le CAC 40 a finalement clôturé à la hausse le 9 novembre. A Wall Street, après une ouverture dans le rouge, le Dow Jones s’est envolé de 1,40% et a fini à 18.589,69 points, soit à une cinquantaine de points seulement de son record de clôture ! Quant au Nasdaq, il a gagné 1,11% à 5.251,07 points.
Pourtant, Fidelity International rappelle que « Les actions américaines se sont mieux comportées sous la houlette de présidents démocrates », soulignant que « les présidents et leurs politiques peuvent toutefois influer sur les perspectives des secteurs et des entreprises ». Pour La Française Asset Management « L’élection de Donald Trump se traduirait à court terme par une phase de défiance sur les actifs risqués américains ».
Selon Mourtaza Asad-Syed, Directeur des Investissements de Yomoni « Les dires de campagne de Donald Trump permettent d’envisager quelques pistes de politique économique à moyen-terme : i) un repli protectionniste et isolationniste, ii) des baisses d’impôts sur les entreprises, et iii) une réduction de l’intervention publique. Cela se rapproche d’un programme de « républicains traditionalistes » (en opposition aux Néo-conservateurs plus impérialistes). Or, l’histoire révèle que de telles présidences républicaines ne sont pas favorables aux actions, en particulier la première année où le marché baisse en moyenne de 2%. »
On peut donc être étonné de la réaction des marchés boursiers, assez sensiblement en hausse. Les investisseurs se sont davantage penchés sur les aspects économiques que sur la personnalité du candidat gagnant. Les plans de relance massifs, la baisse des impôts promise aux sociétés et particuliers encouragent les investisseurs à anticiper une accélération de la croissance économique aux Etats-Unis.
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Les secteurs qui profitent de l’élection de Trump
Cependant, FIdelity Internationale souligne que « le résultat de l’élection n’est pas tout noir pour les actifs américains. Le Président républicain est un grand défenseur des baisses d’impôts pour les entreprises et les ménages. Cela devrait, une fois mis en place, profiter finalement aux entreprises américaines.»
Florian Ielpo, Head of Macroeconomic Research et Jeremy Gatto, trader chez Unigestion restent dans cette veine optimiste et expliquent : « Ce que nous savons de son programme à ce jour est remarquablement favorable pour le marché américain des actions, bien que ses ambitions de politique étrangère et de l’opposition au libre-échange sont moins positifs à l’échelle internationale, en particulier pour les pays émergents.»
La prudence reste donc de mise. Pour Bruno Colmant, Chef Economiste, Banque Degroof Petercam « Un investisseur doit réduite sa vulnérabilité à la volatilité. Il faut privilégier les obligations de courte maturité et privilégier les actions, notamment européennes. »
Si vous souhaitez investir en Bourse, sachez que quelques secteurs semblent mieux lotis que d’autres. En effet, n’oublions pas, comme le souligne Herez, que « L’éventuelle surréaction des marchés pourrait cependant offrir quelques opportunités à court terme. »
Ainsi, le secteur pharmaceutique remonte. Cette tendance haussière s’explique notamment par le fait qu’Hillary Clinton avait promis de faire baisser prix des médicaments. Les secteurs des infrastructures et de la défense sont aussi à privilégier. Même si « Tant Donald Trump qu’Hillary Clinton ayant fait connaître une même prise de position à l’égard de ces domaines, le marché l’a donc déjà en partie intégré dans les cours. Pour autant, il existe d’excellentes opportunités d’investissement dans ces deux secteurs. » souligne Fidelity International.
Pour Robecco, on « assiste à un mouvement de fuite vers les actifs refuges tels que l’or et les obligations ». Pour Léon Cornelissen, économiste en chef de Robeco « dans les prochaines semaines, la dette souveraine devrait tirer profit de son statut de valeur refuge, alors que certaines craintes inflationnistes pourraient voir le jour». Le Bund allemand a ainsi largement progressé : le 9 novembre, peu après l’ouverture à 8h, le taux à 10 ans du fameux Bund allemand s’inscrivait à 0,139% contre 0,188% la veille à la clôture du marché secondaire.
La hausse du cours de l’or sur le marché des matières premières
L’or remplit son rôle de valeur refuge. La victoire de Donald Trump offre « un boulevard haussier pour le cours de l’or » selon Laurent Schwartz, PDG du Comptoir National de l’Or.Et en effet, face à ces incertitudes, l’once d’or à Londres est en hausse à plus de 1 300 dollars. Le métal jaune a pris jusqu’à plus de 4,5%. Pour Bruno Colmant, Chef Economiste, Banque Degroof Petercam, l’or est « un placement intéressant en cas de taux d’intérêt réel négatif ».
Les incertitudes liées à la victoire de Trumps ne sont en revanche pas bonnes pour les matières premières, pétrole en tête. En effet, le pétrole perd près de 2% ce mercredi 9 novembre.
Forex : la baisse du dollar et du peso
Le Forex : marché des devises a été largement impacté par l’élection de Trump. Sur le marché des devises, le dollar recule de 0,5% face à l’euro. Mais c’est le peso mexicain qui perd 8% qui est le plus durement touché. La monnaie mexicaine avait servi de véritable baromètre durant toute la campagne de Trump. « Le dollar américain a donc perdu du terrain par rapport aux monnaies du G7, mais a gagné un peu contre les devises émergentes, en particulier le peso mexicain. » insistent Florian Ielpo, Head of Macroeconomic Research et Jeremy Gatto, trader chez Unigestion.
Si le dollar est en baisse cette tendance se confirmera-t-elle à moyen terme ? Selon Mourtaza Asad-Syed, Directeur des Investissements de Yomoni « L’autre grande incertitude du « Trumpisme » repose, selon nous, sur la trajectoire du dollar. D’un côté, le programme de Trump -qui a déclaré ne pas vouloir rembourser la dette fédérale- a nature à éloigner les investisseurs internationaux et favoriser une plus grande diversification de leurs réserves en dehors du billet vert. De l’autre, le déficit courant américain pourrait se réduire si une politique isolationniste était mise en place, qui réduirait la présence et les interventions militaires extérieures qui se sont toujours révélées coûteuses et financées par dette (Vietnam, Irak, Afghanistan). »
Marché financier : stagnation des taux d’intérêt ?
Bruno Colmant, Chef Economiste, Banque Degroof Petercam résume fort bien la situation à venir sur le marché monétaire : « Deux forces antagonistes vont s’opposer. Un tarissement du commerce mondial est naturellement déflationniste et récessionnaire. Mais, en même temps, une guerre des monnaies conduirait à de l’inflation. Mais ce serait une mauvaise inflation à savoir une inflation purement artificielle, produite par la planche à billet, et non pas par une augmentation de la demande de viens et de services. Ce scénario est connu : nous l’avons traversé dans les années 70. C’est celui de la stagflation, c’est-à-dire une stagnation de l’économie réelle et une inflation découlant du désordre monétaire. Au reste, c’est un événement monétaire qui avait déclenché cette stagflation, à savoir le fait que les Etats-Unis avaient décidé de saborder les accords de Bretton Woods, signés en 1944 pour assurer des cours de change fixe destinés à faciliter la reconstruction d’après-guerre et le redéploiement du commerce mondial. En cas de troubles monétaires, la Banque centrale européenne va adopter une attitude allemande, qui conduira à faire de l’euro une monnaie forte et donc pénalisante à l’exportation. Il y a un véritable risque que l’assouplissement monétaire mis en œuvre par la BCE soit contrarié par des dévaluations en cascade. »
Quid alors des taux ? Selon Dierk Brandenburg, analyste senior – Obligations souveraines chez Fidelity International, « la hausse de la volatilité et de l’incertitude pourrait inciter la Réserve fédérale à maintenir ses taux inchangés lors de la réunion du mois de décembre, contrairement à ce qu’attendaient les marchés très récemment encore. » Ce point de vue est partagé par Herez, pour qui « la réserve fédérale ne devrait pas remonter ses taux. Les anticipations d’inflation pourraient cependant repousser les taux longs à la hausse ».
Trump sera-t-il en mesure de mettre son programme économique à exécution ? Et d’ailleurs voudra-t-il appliquer à la lettre toutes ces propositions ? On peut se le demander après son premier discours rassembleur dans lequel il lance un appel, y compris à ceux qui ne l’ont pas soutenu pour qu’ils l’aident et lui montrent le chemin. En effet, Trump est isolé, ne dispose d’aucune administration. À lui de fédérer et rassembler autour de lui des gens compétents avant le 20 janvier 2017, jour de son investiture, quitte à faire quelques concessions. « Il faut désormais observer qui Donald Trump va nommer à la tête de son cabinet ainsi qu’aux postes économiques et stratégiques importants. » comme le précise Saxo Banque.
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