Les valeurs technologiques chinoises font parler d’elles avec de nombreuses et médiatiques entrées en Bourse. Les recommandations du Café de la Bourse.
Un contexte délicat pour les valeurs techno
L’entrée en Bourse du Twitter chinois Weibo s’annonçait sous des auspices incertains. Jusqu’à la mi-journée, l’opération fut d’ailleurs boudée par les investisseurs, avant que le titre ne s’oriente véritablement à la hausse pour finir à plus de 19% par rapport au prix d’entrée de 17 dollars. Les opérateurs boudent en effet les valeurs technologiques depuis quelques semaines. La faute revient à des valorisations subitement jugées élevées, notamment en comparaison de modèles parfois mal compréhensibles.
Ainsi, le Nasdaq a perdu 2,53% en mars et enregistre déjà une baisse de 3,41% sur le mois d’avril (au 21 avril). Les valeurs phares de l’indice ne sont pas épargnées : Google chute de 8,32% en mars et de 5,04% en avril (au 21), Facebook perd 12% en mars mais se redresse en avril (1,66% au 21),Twitter (sur Nyse Euronext) baisse de 15% en mars et de 1,16% en avril (au 21) et Netflix s’effondre de 21% en mars et perd encore 1% en avril (au 21).
Ces conditions difficiles expliquent que la somme levée par Weibo n’ait pas dépassé les 286 millions de dollars, contre les 340 à 437 millions attendus, en dépit d’un prix et de quantités revues à la baisse. Le titre demeure sur une pente ascendante depuis le 17 avril puisqu’il progresse de 37,78% au 21 du mois, emportant dans son sillage le cours de Bourse de sa maison-mère, Sina Corp, qui enregistre +5,7% entre le 17 et le 21 avril (là où il baissait de 0,36% entre le 11 et le 16 avril).
Cette dynamique ne suffit pas à convaincre les analystes, dont la plupart estiment que le secteur technologique, a fortiori lié aux NTIC, demeure plombé par des problèmes de fond. Certains vont même jusqu’à comparer la situation boursière actuelle du secteur avec la bulle Internet de 2000.
Un business model incertain
Weibo illustre bien les reproches adressés aux sociétés Internet à la mode : comme Twitter au moment de son introduction en Bourse, Weibo ne réalise aucun bénéfice. Mais Twitter pèse aujourd’hui 26 milliards de dollars, compte 241 millions d’utilisateurs dans le monde et réalise un chiffre d’affaires de 665 millions d’affaires (en 2013).
En dépit d’une forte hausse du nombre d’utilisateurs actifs quotidiens de Weibo, qui atteint en mars 2014 66,6 millions, et d’un chiffre d’affaires à 200 millions de dollars, le groupe a déclaré une perte opérationnelle d’environ 36 millions de dollars.
Et si l’on peut s’attendre à de premiers profis opérationnels à l’issue de l’exercice actuel ou du suivant, les investisseurs vont devoir trouver d’autres raisons de miser sur la hausse en attendant. Sans compter que la Chine ne suscite pas encore une pleine confiance en termes de reporting financier des sociétés.
Un cadre réglementaire épineux
Au-delà de ces incertitudes liées au modèle même de l’entreprise Weibo, l’environnement réglementaire constitue une autre source d’inquiétudes. Depuis le mois de septembre, l’activité des utilisateurs de Weibo s’est considérablement affaiblie suite à l’entrée en vigueur d’une réglementation qui semble spécialement sculptée à son encontre : le partage, en connaissance de causes, de fausses informations sur Internet peut être puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement. Christopher Dembik, analyste financier chez Saxo Banque, affirme que le réseau social fait régulièrement l’objet de critiques de la part de hauts responsables chinois, peu favorables à la liberté d’expression favorisée par Weibo.
Dans un pays qui interdit l’usage de Twitter, le positionnement d’une société telle que Weibo n’est pas des plus aisés à maintenir, d’autant que le réseau n’est actuellement développé nulle part ailleurs et que de nombreux concurrents, parfois mieux armés, lui mènent la vie dure.
Des concurrents mieux armés
Cette nouvelle réglementation n’a pas impacté aussi négativement d’autres acteurs du Web. Le principal concurrent de Weibo, WeChat, une application mobile de partage de textes, vidéos, messages, vocaux, etc., continue de voir les rangs de ses utilisateurs actifs grossir de mois en mois. Le chiffre est passé de 121 millions en septembre 2012 à 272 millions en septembre 2013. Si les messages échangés via WeChat sont censés être privés, ce réseau social en pleine croissance n’est cependant pas épargné par la censure. Plusieurs dizaines de comptes très fréquentés ont en effet été fermés sans préavis en mars 2014, parmi lesquels ceux de médias, de blogs et de personnalités connues.
Il reste que WeChat, qui appartient au groupe Tencent Holdings, affiche une dynamique de croissance supérieure à Weibo et qu’investir dans la maison-mère Tencent, cotée à Hong Kong, peut sembler plus sûr que de tenter de suivre l’IPO de Weibo.
Mais un autre acteur du Web polarise l’attention depuis quelques mois : Alibaba, géant chinois de l’e-commerce et lui-même propriétaire de 32% de Weibo depuis l’introduction en Bourse. Les fortes attentes à l’égard de l’imminente introduction d’Alibaba à Wall Street reposent d’abord sur la taille largement supérieure du commerçant Internet.
En effet, sa valorisation pourrait atteindre les 150 milliards de dollars, ce qui en ferait la plus importante IPO depuis celle de Facebook en 2012, qui avait levé 16 milliards de dollars. Phénomène plus rare et plus précieux, sa rentabilité fait également pâlir d’envie. Christopher Dembik précise que sur les trois derniers mois de 2014, “le chiffre d’affaires d’Alibaba a bondi de 66% à 3,08 milliards de dollars, et son bénéfice net a plus que doublé (+110%) à 1,35 milliard, selon des données dévoilées par Yahoo!, propriétaire de 24% de son capital”.
Si l’introduction en Bourse de Weibo a permis à la société chinoise d’atteindre son but éminemment stratégique d’une cotation sur le Nasdaq américain, il est possible que le cours de Bourse soit sérieusement perturbé par les événements qui ne manqueront pas d’agiter le secteur des valeurs technologiques dans les prochains mois. On annonce déjà l’introduction prochaine d’un autre site de commerce, J-D.com et d’un acteur de la cosmétique en ligne, Jumei International Holding.
Nadège Bénard
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