Le journal La Tribune de Genève a réalisé une interview de Morningbull, l’un de nos contributeurs les plus actifs. Dans cet entretien, la journaliste revient sur la création de son blog et sur sa façon originale de décortiquer et d’analyser l’actualité financière et économique :
Costard-cravate? Très peu pour lui. Morning Bull, le blogueur boursier décoiffant de la place genevoise, alias Thomas Veillet, arrive en toute décontraction pour parler du succès de son blog, abrité par le site Internet de la Tribune. Depuis un peu plus de trois ans, ce conseiller financier genevois croque, chaque jour, le paysage boursier de son regard pétillant, drôle et plein d’ironie. L’état du marché américain et européen est dans sa ligne de mire, avec une mise au point serrée sur ses spécialités, l’or, le pétrole, les matières premières. Veston ouvert, la chemise tombant sur le jean, Thomas Veillet prend place dans ce café boulevard Georges-Favon, à deux pas de la banque où il travaille. Il est vitaminé, comme le jus d’orange qu’il vient de commander. Pressé aussi, mais surtout enthousiaste, à l’idée de raconter son blog.
UBS lui ordonne d’arrêter
Tout a commencé simplement: «Au début, je rédigeais chaque matin, pour moi, un résumé factuel des événements les plus marquants de la Bourse, sous la forme d’une revue de presse. Puis je l’ai partagé avec quelques amis, par mail.» Au fur et à mesure, sa liste de distribution grossit, pour atteindre plusieurs centaines de contacts, principalement des collègues. Son employeur de l’époque, UBS pour ne pas le nommer, met le holà. L’interdiction tombe, mais c’est trop tard: «J’avais déjà croché», déclare Thomas Veillet. L’oiseau décide donc d’émigrer et ouvre un blog, sous le pseudonyme de «Morning Bull». «Bull» comme taureau, son signe astrologique? «Non, sourit-il du haut de ses 38 ans, qu’il fête le jour de l’entrevue. Un marché bull est un marché qui monte.»
Sur cette nouvelle plate-forme, les choses vont prendre de l’ampleur. Thomas Veillet se prend au jeu. Il écrit non plus une, mais trois à quatre pages de commentaires, sur un ton désormais plus personnel. «Je me lève à 5 heures du matin et parcours trois à quatre sites financiers de base sur le marché américain, quelques sites de quotidiens français et Le Temps pour les marchés européens.» Il en tire les grandes lignes, simplifie, vulgarise, pour répondre à la question de base: faut-il acheter ou vendre? «En dix minutes, les gens ont une idée des tendances du marché», déclare-t-il.
Politiquement incorrect
Sa plus-value, c’est son humour désinvolte, qui contraste fortement avec le cadre formaté et politiquement correct du monde de la finance. Ses lecteurs sont toujours plus nombreux. Avec la crise, même des néophytes s’y intéressent. Le taureau agite les foules et rend accro: «Mon pire cauchemar serait qu’il arrête! Je lis le Morning Bull même en vacances et je le recommande à mes clients, bien au-delà de la place financière genevoise», s’enthousiasme Carine, une fan de la première heure. Cette sensation de manque est réciproque: «Je me lève de plus en plus tôt pour écrire et je traque le Wi-Fi en vacances, c’est limite maladif, avoue Thomas Veillet. Avec le temps, c’est devenu un prolongement de moi-même.» D’ailleurs, il lui arrive d’être surnommé «le Morning Bull». Le chroniqueur amuse, divertit, mais pas seulement: «Le contenu est exhaustif et très pro. On voit qu’il a de la bouteille, ajoute Rosario, trader en actions US. Je le conseille à mes stagiaires.»
Pour connaître ses fans, il avait lancé l’idée d’une «Morning Bull party». Trois cents personnes se sont annoncées. Celui qui ne manque pas une occasion de citer Coluche envisage alors d’organiser une soirée où il pourrait donner libre cours à ses «ambitions d’acteur raté», plaisante-t-il. L’écriture d’un livre ou des collaborations plus étroites avec les médias sont des projets qui le titillent. Mais pas question de brider sa liberté!
Elodie Lavigne