Traduction libre de “Stocks for the long run’ still holds in spite of the painful sell‐off”, article de Jeremy Siegel paru le 6 octobre 2009 dans le Financial Times.
Le marché baissier de ces derniers temps a été particulièrement douloureux pour les investisseurs action, et ce seulement 5 ans après la grande chute des années 2000-2002.
Sur la période de 10 ans qui s’est terminée en décembre 2008, la performance des actions US a été négative : -3,15% de rendement réel. C’est la 4ème plus mauvaise période de 10 ans sur les marchés boursiers depuis 1871. Devant ce constat, nombreux sont ceux qui se demandent si la maxime [NdT: de son livre] “les actions pour le long terme” était toujours valable pour les investisseurs.
L’histoire a montré que cette période n’est pas exceptionnelle et ceux qui ont survécu à cette récession ont pu ensuite enregistrer de très bons retours sur investissement. Depuis 1971, les trois périodes de dix ans qui ont connu les pires retours sur investissement ont pris fin respectivement en 1920, 1974 et 1978.
Chacune de ces périodes fut immédiatement suivie d’un rendement réel – ajusté de l’inflation – de respectivement plus de 8%, 13% et 9% au cours des 10 années qui ont suivi.
En fait, pour chacune des 13 périodes de 10 ans depuis 1871 affichant une performance négative sur les actions, les 10 ans qui ont suivi ont offert aux investisseurs des retours sur investissement substantiels, en moyenne 10% par an. Une telle rentabilité est largement supérieure au retour sur investissement réel moyen observé sur la totalité des périodes de 10 ans depuis 1871, d’environ 6,66%. C’est également le double de la performance garantie par les obligations d’Etat.
Les performances ont été largement positives après chaque cycle de dix années de bear market, sans exception.
Les performances ont été largement positives après chaque cycle de dix années de bear market, sans exception. Sur les 127 périodes de 10 ans depuis 1871, chacune de celles qui ont suivi le plus mauvais quartile ont connu une performance réelle positive sur les actions. Le retour sur investissement moyen a lui aussi systématiquement surpassé la moyenne sur le long terme.
La performance des actions est également meilleure que celle des obligations long terme. Même en ce contexte de marché bear, les actions ont toujours enregistré des meilleurs résultats que les bons du trésor américain, sur chaque période de 30 ans depuis 1871. Sur chaque période de 20 ans, la performance des actions par rapport aux bons du trésor a aussi été meilleure, sauf dans 5% des cas.
En mars dernier, quand le marché des actions était au plus bas, Robert Ammot, président de de Reseach Affiliates, a fait sensation en signalant que sur les quarante dernières années, les investisseurs placés sur les bons du trésor américains à 20 ans non remboursables à vue* affichaient une performance légèrement meilleure que les actions.
En effet, à la fin du mois de mars cette année (NdT: 2009), la performance annuelle sur les bons du trésor à long terme a battu celle des actions sur la période 1949-2009 : 8,90% contre 8,71%. Alors que la performance des actions était inférieure à sa moyenne historique, le retour sur investissement obtenu avec les bons du trésor était bien au-dessus de sa moyenne habituelle.
En effet, pour obtenir une telle performance au cours des 40 prochaines années, le rendement sur les bons du trésor américain à long terme devrait tomber à environ 2%, ce qui est fort peu probable. En fait, compte tenu de la récente reprise des marchés actions et au déclin du marché obligataire, la performance des actions est désormais largement supérieure à celle des obligations sur les 30 et 40 ans passés.
Les actions offrent d’excellents retours sur investissement ailleurs qu’aux Etats-Unis aussi. Trois économistes, Elroy Dimson, Paul Marsh et Mike Staunton ont analysé l’historique de la performance des marchés action et obligations de 16 pays depuis 1901. Cette recherche a été publiée dans le livre Triumph of the Optimists : 101 Years of Global Investment Returns.
Malgré les désastres survenus dans beaucoup de ces pays, comme la guerre, l’hyperinflation et les dépressions économiques, la performance sur le marché des actions ajustée de l’inflation a été nettement positive pour tous.
De plus, il est apparu clair que le nombre de titres en circulation était largement supérieur aux actifs garantissant un revenu fixe. La conclusion des auteurs est la suivante : “Les craintes que l’analyse pu être biaisée par le fait que l’étude n’inclut que les entreprises toujours en activité et uniquement aux Etats-Unis sont peut-être exagérées ; les investisseurs n’ont pas nécessairement été induits en erreur par un tel focus sur les Etats-Unis”.
Bill Gross, le directeur de Pimco, s’accorde avec d’autres pessimistes pour affirmer que l’économie américaine s’installe dans une “nouvelle norme”, avec un croissance économique molle et de médiocres performances des actions. Cette anticipation est fondée sur une baisse des dépenses des ménages américains qui épongent les dettes accumulées ces dix dernières années.
Cependant, ces anticipations ne prennent pas en compte le fait que c’est la croissance économique mondiale, et pas seulement américaine, qui déterminera la performance future des actions. A chaque dollar de dette étrangère correspond un dollar d’actif à l’étranger. Les entreprises qui figurent dans le S&P font presque 50% de leur chiffre d’affaires à l’étranger, et cette part augmentera certainement à mesure que la croissance économique des pays émergents continue à dépasser celle des pays développés.
Enfin, les actions américaines sont peu chères au regard des prévisions de bénéfices. Les actions du S&P se vendent à environ 14 fois les bénéfices estimés pour 2010. Depuis 1955, les actions se sont vendues entre 18 et 20 fois les bénéfices en période bas taux d’intérêt et de faible inflation.
Le comportement du marché actions ces derniers temps apporte un éclairage nouveau à la question qui a si longtemps déconcerté les économistes : pourquoi les actions affichent-elles un meilleur rendement que les obligations sur le long terme ?
Les douloureuses pertes (comme dernièrement) conduisent de nombreux investisseurs à abandonner les actions en tant que classe d’actifs. Cela fait baisser les cours et améliore la performance future. Les actions offre de belles opportunités de faire de fortes plus-values à ceux qui sont prêts à accepter la volatilité du marché.
Jeremy J. Siegel est professeur Russell E. Palmer de finance à la Wharton School, Université de Pennsylvanie. Il est également l’auteur de “Stocks for the Long Run”.
* une obligation remboursable à vue est une dette de laquelle un créancier ne peut se défaire avant échéance.
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