Sujet brûlant d’actualité, la dette publique n’est pourtant pas une invention récente. Créée au XIII° siècle en Italie, son histoire fait ressortir les spécificités de la crise actuelle.
C’est à Venise, Florence et Gênes, les trois grandes cités italiennes du XIII° siècle que l’on trouve la première trace de dette publique. Comme ce sera le cas jusqu’au siècle dernier, les emprunts d’Etat ont une unique vocation : financer les guerres.
Ce que l’on observe alors en Italie présente les trois caractéristiques qui peuvent nous permettre de parler de dette publique.
- Il s’agit réellement de la dette de la Cité et non d’un monarque comme cela avait pu être le cas dans le passé.
- La dette est pérenne. En effet, celle-ci peut se transmettre au cours du temps.
- Celle-ci est négociable. Cela signifie qu’elle peut être échangée, revendue ou encoretransmise par son possesseur à ses héritiers.
Si la Grèce a créé un précédent en annulant la moitié de sa dette, depuis le XIX° siècle les emprunts d’Etats étaient considérés comme peu risqués. Ce siècle verra justement l’apparition de rentiers, vivant de leurs obligations souveraines. Mais, avant cette époque, il était courant que l’Etat ne rembourse tout simplement pas ses créanciers.
Le roi de France Philippe Le Bel, par exemple, n’hésita pas à diminuer la dette de l’Etat par des dévaluations. La politique monétaire chaotique de son règne lui valut le surnom de « roi faux-monnayeur ».
Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que la naissance de la monnaie-papier est étroitement liée aux emprunts d’Etat1. A sa mort, Louis XIV laissa les finances françaises dans une situation très difficile2. Sous les conseils de l’écossais John Law, l’Etat français émis alors de la monnaie- papier reposant sur l’or confié par la noblesse. Une grande quantité d’or fut ainsi fournie à l’Etat. Mais, le succès du système de Law fut de courte durée et s’effondra lorsque, dans un vent de panique, les nobles reprirent leur or.
De la même façon, après la Révolution Française, afin d’annuler sa dette, l’Etat n’hésita pas à se saisir des biens du clergé et à émettre des assignats. Mais, beaucoup trop de billets furent produits et ils perdirent alors leur valeur. Cet épisode se termina également par un fiasco et la planche à billet fut brûlée place Vendôme !
Autre point remarquable : jusqu’à la seconde moitié du XX° siècle, la dette d’un Etat était principalement détenue par ses habitants. Aujourd’hui, environ 65% de la dette française est détenue par des étrangers.
En outre, jusqu’aux années 1960-1970 les obligations d’Etat pouvaient appartenir directement aux particuliers. Aujourd’hui, c’est de façon indirecte que les ménages en possèdent, sous forme d’assurance-vie, par exemple. Cela s’explique par le fait que les obligations ne sont plus vendues directement par la Banque de France mais accessibles uniquement sous la forme de produits financiers sur les marchés obligataires3.
Lydie Berget
1La valeur de la monnaie reposait jusqu’alors sur la quantité d’or des pièces.
2D’après les estimations des historiens, la dette représente 80% du PIB de 1715.
3La loi Pompidou de 1973, relayée par l’article 104 du traité de Maastricht de 1992, interdit aux banques centrales d’émettre directement des obligations.