Réunir les économies de la zone euro pour émettre des obligations communes aux 17 pays, l’idée fait son chemin. L’idée a le soutien du président français François Hollande, du premier ministre italien Mario Monti et du président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso. Mais pour l’Allemagne, c’est « nein », du moins pour l’instant.
Le gouvernement allemand a dit qu’il serait un « non-sens » d’émettre des eurobonds maintenant, étant donné que les pays membres mènent individuellement leurs politiques économiques. Il craint aussi que l’introduction d’eurobonds ne réduise la volonté des gouvernements surendettés à équilibrer leurs budgets.
Malgré tout, un compromis serait en préparation. Les Allemands semblent ouverts à l’idée de « project bonds », qui serviraient à financer des investissements d’infrastructure dans les pays de l’UE.
Que sont au juste ces eurobonds et project bonds (qui n’existent pas encore) ? Sur quoi reposent-ils ?
Qu’est-ce qu’une obligation d’Etat ?
Les gouvernements empruntent de l’argent aux investisseurs en leur vendant des obligations. Ces obligations sont des reconnaissances de dette. En échange de l’argent des investisseurs, le gouvernement promet de payer chaque année un taux d’intérêt fixe, pendant une durée déterminée, par exemple 3% par an pendant 10 ans. A échéance, le gouvernement rembourse à l’investisseur le principal et la dette est considérée comme acquittée.
Les obligations d’Etat sont traditionnellement perçues comme étant des investissements long terme ultra-sûrs. Elles sont détenues par les fonds de retraite, les compagnies d’assurance et les banques et, dans une moindre mesure, par des investisseurs individuels. Pour un gouvernement, c’est une source vitale de financement.
Qu’est-ce qu’un marché obligataire ?
Une fois qu’une obligation a été émise, et que le gouvernement a reçu son argent, l’investisseur peut conserver l’obligation et toucher chaque année les intérêts, jusqu’à ce qu’il soit remboursé. Mais l’investisseur peut aussi acheter et vendre des obligations qui ont déjà été émises sur les marchés financiers. C’est un peu le « marché de l’occasion » des obligations.
Le prix d’une obligation varie en fonction des anticipations de taux d’intérêts. Par exemple, si les investisseurs pensent que les taux d’intérêts vont monter, alors la valeur d’une obligation à 3% sur 10 ans va baisser.
Le prix d’une obligation peut aussi baisser si les investisseurs pensent que le gouvernement qui l’a émise sera incapable de payer les intérêts ou de rembourser le principal à échéance.
Qu’est-ce qu’un rendement obligataire ?
Le rendement informe l’investisseur du retour sur investissement. Le rendement est calculé sur la base du cours de l’obligation sur le marché.
Par exemple, si une obligation de 100 euros verse un intérêt fixe de 3%, soit 3 euros par an, et que l’obligation peut s’acheter 100 euros, alors son rendement est de 4%. Si le cours de l’obligation (sur le marché de l’occase) tombe à 90 euros, alors mécaniquement le rendement augmente. Ceci est dû au fait que l’investisseur continue à recevoir 3 euros par an au titre des intérêts, et 100 euros à maturité.
Pourquoi les marchés obligataires sont-ils si importants ?
Parce qu’ils déterminent ce qu’il coûte aux gouvernements pour emprunter. Quand un gouvernement veut emprunter de l’argent, il émet de nouvelles obligations sur lesquels il doit payer un taux d’intérêt jugé acceptable par le marché.
Le rendement auquel les investisseurs achètent et vendent les obligations existantes d’un gouvernement donne une bonne indication du taux d’intérêt que ce gouvernement aurait à payer
s’il émettait de nouvelles obligations.
Par exemple, le rendement des obligations à 10 ans du gouvernement espagnol a récemment dépassé 6%. Cela signifie que si le gouvernement espagnol veut à nouveau emprunter de l’argent au marché pour 10 ans, il devra lui payer un intérêt de plus de 6% sur ces nouvelles obligations.
Mais alors, qu’est-ce qu’un eurobond ?
Un eurobond fonctionnerait pareillement qu’une obligation d’état, sauf que les 17 pays de la zone euro seraient collectivement garants de la dette, et non plus un seul gouvernement.
Il subsiste tout de même de nombreuses questions en suspens quant au fonctionnement de ces eurobonds.
En voici quelques-unes :
- Si un gouvernement ne peut pas payer sa part d’intérêts, les 16 autres gouvernements devront-ils payer en son nom ?
- Un gouvernement en difficulté financière devrait-il rembourser en priorité ses eurobonds ou ses autres dettes ?
- Les dettes individuelles co-existeraient-elles avec les eurobonds ?
- Qui déciderait de la façon dont est dépensé l’argent des eurobonds ?
- Si les gouvernements individuels peuvent utiliser l’argent des eurobonds, alors quelle somme chaque gouvernement peut-il emprunter ? A quelles conditions ?
En quoi les eurobonds résoudraient-ils la crise ?
Pendant la crise financière, les investisseurs ont été réticents à acheter les obligations d’Etat des pays de la périphérie de la zone euro, et beaucoup plus enclins à acheter les obligations allemandes (et quelques autres pays avec de solides finances).
En conséquence, emprunter ne coûte presque rien à l’Allemagne, et que c’est devenu hors de prix pour la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne. La création d’eurobonds permettraient à tous aux gouvernements de la zone euro de payer le même taux d’intérêt.
Pourquoi l’Allemagne s’oppose-t-elle aux eurobonds ?
L’Allemagne a trois grandes objections.
Premièrement, les Allemands ne voient pas pourquoi ils devraient se porter garantie des dettes contractées par leurs dispendieux voisins, car c’est en effet ce qu’induirait les eurobonds.
Ensuite, il pourrait coûter plus cher à l’Allemagne d’emprunter, car les investisseurs considèrent que la zone euro dans son ensemble est un emprunteur plus risqué que l’Allemagne seule.
Troisième objection, et non des moindres, le gouvernement allemand craint qu’en garantissant les dettes de ses voisins de la zone euro, ces derniers n’en profite pour accroître la dépense publique.
Et les « project bonds » dans tout ça ?
C’est encore vague mais il semble que ces « project bonds » seraient émis par la Commission européenne. L’argent ainsi emprunté serait utilisé par la Commission pour investir dans des projets d’infrastructure, par exemple. La Commission serait responsable du bon remboursement de ces « project bonds ».
Le budget de la Commission européenne est financé par les pays membres de l’UE. Cet aspect collectif rend les « project bonds » assez similaires en principe aux eurobonds. Cela étant, les sommes d’argent envisagées pour les « project bonds » sont bien plus petites que celles envisagées pour les eurobonds. Le budget de la Commission européenne représente seulement 1% du total du PIB des pays de l’UE, alors que la plupart des budgets des gouvernements de l’UE représentent 50% de leurs PIB respectifs.
Qui plus est, les « project bonds » ne feront rien pour abaisser le coût de l’emprunt pour les pays de la périphérie de la zone euro, sauf à ce que les marchés estiment que les projets d’infrastructure de la Commission aident directement leurs économies à croître. Possible, mais peu probable.