Mal connu est à moitié guéri, dit le dicton. Excès de confiance, mémoire sélective, nombreux sont les biais psychologiques qui peuvent faire de nous de mauvais investisseurs. En guise de thérapie, passons-les en revue.
Plus que tout autre chose, réussir en investissement demande une rare capacité : identifier et surmonter ses propres faiblesses psychologiques.
Depuis les 20 dernières années, la psychologie a imprégné notre culture de diverses façons. Plus récemment, son influence s’est emparée du domaine de la finance comportementale, engendrant nombre d’études académiques et de manuels spécialisés qui essaient d’expliquer pourquoi les gens prennent des décisions financières en opposition avec leurs propres intérêts.
D’ailleurs, Warren Buffett plaisantait même en déclarant :
“Réussir en investissement ne dépend pas du quotient intellectuel si l’on est au-dessus de 25. Si vous n’êtes pas plus bête qu’un autre, la seule chose dont vous avez besoin est d’assez de tempérament pour contrôler vos pulsions, sources de problèmes en investissement.”
Les experts de la finance comportementale ont beaucoup à expliquer en termes de compréhension de la psychologie et du comportement des investisseurs, en particulier concernant les erreurs qu’ils font. Ce secteur essaie d’extrapoler à des tendances macro-économiques plus larges, comme la manière dont le comportement humain peut faire évoluer le marché.
Ici, nous préfèrerons nous concentrer sur la façon dont les idées sur le secteur de la finance comportementale peuvent avantager les investisseurs particuliers. Premièrement, nous nous intéresserons à apprendre à reconnaître et corriger les erreurs d’investissement dans le but d’engendrer plus de bénéfices.
Excès de confiance en soi
La présomption fait référence à notre capacité sans limite en tant qu’être humain à penser que nous sommes plus intelligents ou plus capables que ce que nous sommes réellement. C’est, par exemple, ce qui pousse 82% des personnes à dire qu’elles font partie des 30% de meilleurs conducteurs.
De plus, lorsque les gens affirment qu’ils sont sûrs à 90% de quelque chose, les études montrent qu’ils ne sont en fait dans le vrai que dans 70% des cas.
Cependant, un tel optimisme n’est pas mauvais. Nous aurions beaucoup plus de mal à affronter les multiples contrariétés de la vie si nous étions de fieffés pessimistes.
Néanmoins, avoir une confiance en soi excessive nous joue parfois des tours si l’on croit que l’on est plus apte à repérer le prochain Microsoft qu’un autre investisseur. Mais, contre toute attente, nous ne le sommes pas !
Les études montrent que les investisseurs trop présomptueux négocient plus rapidement parce qu’ils pensent qu’ils connaissent mieux leur sujet que la personne de l’autre côté de la transaction. Négocier vite coûte très cher et l’effort est rarement récompensé. Nous ne répéterons jamais assez que les frais des opérations boursières comme les commissions, les taxes et les pertes sur le spread du cours vendeur et acheteur sont de sérieux freins pour les bénéfices annuels. Ces coûts de friction tireront toujours vers le bas les bénéfices.
L’une des choses qui provoque ces transactions rapides, en plus de la confiance excessive dans nos capacités, est l’illusion du contrôle. Participer plus activement à nos investissements peut nous donner l’impression de mieux contrôler nos finances mais il existe une limite à ne pas franchir. Trop s’investir peut aussi être néfaste d’après certaines études sur le sujet.
Mémoire sélective
La présomption peut aussi pousser à adopter une mémoire sélective. Peu d’entre nous ont envie de se remémorer un événement ou une expérience douloureuse du passé , en particulier lorsque cela a eu lieu sur notre propre initiative. En termes d’investissement, nous ne voulons sûrement pas nous rappeler ces possibilités d’achat que nous avons manqué, mais encore moins ces achats qui se sont soldés en de grosses pertes.
Plus nous avons confiance en nous, plus de tels souvenirs menacent notre propre image. Comment pourrions-nous être de si bons investisseurs si l’on a fait toutes ces erreurs dans le passé ? Au lieu de nous souvenir clairement du passé, nous sélectionnons ce dont nous voulons nous rappeler pour que cela corresponde à nos besoins et pour préserver l’image de nous-mêmes.
Assimiler les informations de cette façon est un moyen de corriger notre dissonance cognitive, une théorie bien connue en psychologie. La dissonance cognitive suppose que nous n’aimons pas avoir deux idées, opinions, croyances, attitudes ou, dans ce cas, comportements différents en même temps. Ainsi, notre psyché, d’une certaine façon, aura besoin de corriger cela.
Gommer de notre esprit un mauvais choix d’investissement fait dans le passé, en particulier si nous nous voyons dorénavant comme un investisseur talentueux, justifie l’ajustement, petit à petit, de notre souvenir de ce mauvais choix d’investissement. « Peut-être n’était-ce pas une si mauvaise décision de vendre cette action ? » Ou encore : « Peut-être n’ai-je pas perdu autant d’argent que je le pensais ? » Avec le temps, notre souvenir de l’événement ne sera plus objectif mais s’intégra dans une représentation de la manière dont nous nous percevons.
Un autre type de mémoire sélective est la représentativité, un raccourci mental qui nous pousse à accorder trop d’importance aux événements récents (comme les chiffres des performances court terme) mais trop peu de poids aux tenants et aboutissants réels d’un événement actuel.
Porter préjudice à soi-même
Des chercheurs ont aussi observé un comportement qui pourrait s’opposer à l’excès de confiance en soi. Le penchant pour l‘« auto-handicap » survient lorsque nous essayons d’expliquer une mauvaise performance future par une raison plus ou moins vraie.
Prenons un exemple d’auto-handicap : lorsque nous affirmons que ne pas être confiant pour notre exposé. De ce fait, si l’exposé se passe mal, nous aurions une explication. Mais c’est également lorsque nous avouons que notre cheville nous fait mal juste de rentrer sur le terrain pour jouer. Si nous jouons mal, peut-être est-ce parce que notre cheville nous faisait mal.
En tant qu’investisseurs, nous pouvons aussi céder à l’auto-handicap, peut-être en admettant que nous n’avons pas passé assez de temps à chercher une action qu’auparavant juste au cas où l’investissement ne s’avèrerait pas aussi rentable que prévu. Les comportements d’excès de confiance en soi tout comme l’auto-handicap reviennent souvent chez les investisseurs mais ne sont pas les seules tendances qui ont un impact sur notre réussite générale en investissement.
Aversion aux pertes
Ce n’est un secret pour personne que de nombreux investisseurs soient obsédés par un seul investissement qui fasse perdre de l’argent, même si le reste de leur portefeuille est créditeur. Ce comportement est appelé « aversion pour les pertes ».
Il est démontré que les investisseurs sont plus prompts à vendre des actions gagnantes dans un effort pour « faire des bénéfices » tout en refusant d’accepter leur défaite s’ils perdaient. Philip Fisher écrivit, dans son excellent ouvrage Actions ordinaires et profits extraordinaires, que « Les investisseurs on probablement perdu plus d’argent à détenir une action qu’ils ne voulaient vraiment pas jusqu’à ce qu’ils puissent « au moins avoir récupéré leur mise d’achat » plus qu’autre chose. »
Les regrets font partie intégrante de la logique d’aversion. Ils peuvent nous rendre incapables de faire la différence entre une mauvaise décision et un mauvais résultat. Nous regrettons un mauvais résultat (telle une action avec une période de faibles performances) même si nous avions de faire cet investissement pour pleins de bonnes raisons. Dans ce cas, les regrets peuvent nous faire prendre la décision de vendre l’action, ce qui ne serait pas judicieux. Nous vendrions alors une solide entreprise à bas prix au lieu d’acheter d’autres actions de cette société !
Avoir tendance à ressentir plus longtemps une perte que le plaisir de faire un bénéfice n’aide pas non plus. C’est notre réticence à accepter dès le départ la perte qui peut nous pousser à « jouer les perdants trop longtemps » dans le vain espoir que la chance tournera et que nous n’aurons pas à affronter les conséquences de nos décisions.
Ancrage mental
Demandez donc aux Parisiens d’estimer à combien s’élève la population de Lyon, ils se rattacheront aux chiffres qu’ils connaissent (le nombre d’habitants de Paris), ajustant le chiffre vers la bas, mais pas assez.
Demandez ensuite aux habitants de Toulon de d’estimer le nombre de personnes vivant à Marseille et ils prendront comme référence le nombre de personnes qu’ils sont dans leur ville, l’ajusteront à la hausse mais pas assez. Lorsque l’on doit estimer une donnée inconnue, on reste coller à ce qu’on connaît.
Les investisseurs tombent souvent dans le piège du rattachement. Ils se rattachent à leurs propres estimations des revenus d’une société, ou à ceux de l’année précédente. pour les investisseurs, le comportement de rattachement se manifeste en accordant une importance excessive sur les performances récentes, comportement qui peut être à l’origine de la décision d’investissement au départ.
Lorsqu’un investissement ne remplit plus son office/est à la traîne, il est possible qu’on veuille le garder parce que l’on veut se rattacher au prix auquel on l’a payé, ou parce que l’on croit à une forte remontée avant son déclin dans l’espoir de « rentrer dans ses frais » ou de récupérer son dû. Nous nous accrocherons peut-être à des entreprises de qualité pendant des années plutôt que de les délaisser et de reprendre nos investissements à vie. Garder des entreprises perdantes est onéreux et il ne faudrait pas oublier de faire meilleur usage de ces fonds.
Biais cognitifs
Il existe aussi un risque lié à l’excès de confiance en soi et au rattachement, impliquant notre manière de percevoir l‘information. En effet, nous extrapolons nos propres croyances trop souvent sans pour autant s’en rendre compte et nous engageons dans la tendance à vouloir confirmer et soutenir nos actions par tous les moyens, tant que cela favorise notre jugement.
Exemple : si l’on a la chance de posséder une voiture de la marque Honda, nous serons plus enclins à croire des informations qui vont venir soutenir notre expérience de propriétaire de la voiture plutôt que de prêter attention à des informations contraires. Si vous avez acheté un fonds sur les actions en assurance maladie, il se peut que vous vous concentriez davantage sur les informations positives véhiculées à ce sujet et que vous sous-estimiez les informations négatives, concernant les perspectives de performance de l’action par exemple.
Prendre du recul peut réduire les tendances à trop avoir confiance en soi ou à se rattacher à ce qu’on connaît. C’est la tendance qui consiste à réévaluer notre comportement passé concernant un événement ou une décision par rapport au résultat qui en a découlé. ON modifie alors notre jugement sur une décision passée pour s’adapter à la nouvelle information. Si l’on connaît comment une de nos actions va performer, nous pourrons alors réajuster le raisonnement qui nous a poussé à acheter cette action au départ. Ce type de « remise à jour des connaissances » peut nous empêcher de percevoir les décisions que l’on a prises d’un point de vue objectif.
Cadrage
Une autre forme de comptabilité mentale vaut la peine d’être traitée. L’effet de cadrage traite la façon dont un point de référence, bien souvent une référence insignifiante, peut affecter notre décision.
Supposons, par exemple, qu’après tout, vous vous offriez cette télévision qui vous plaît tant. Mais juste avant de régler les 500 euros qu’elle coûte, vous réalisez qu’elle est à 100 euros de moins dans un magasin en bas de la rue. Dans ce cas, vous préféreriez aller au bout de la rue et acheter la télévision un peu moins chère. Si, par contre, vous achetez de nouveaux meubles à 5 000 euros, vous n’aurez pas envie de descendre la rue pour aller au magasin qui les vend pour 4 900 euros.
Pourquoi ? Vous économisez 100 euros pourtant !
Malheureusement, nous avons tendance à relativiser le prix du rabais et non pas à le voir comme une valeur absolue. Lorsque vous avez acheté la télévision, vous économisiez 20% en vous rendant à l’autre magasin, mais lorsque vous avez acheté les meubles, vous n’avez économisé que 2%. Il semblerait donc qu’économiser 100 euros ne vaille pas toujours le coût suivant la situation.
Mimétisme de groupe
Les marchés boursiers regorgent de milliers d’actions, et les investisseurs ne les connaissent pas toutes. En fait, il faut vraiment fournir des efforts/travailler dur pour en connaître quelques-unes. Mais les gens sont assaillis d’idées toutes faites sur les actions à cause des courtiers, de la télévision, des magazines, des sites internet, etc. Inévitablement, certains décident que la dernière idée à propos de telle action est bien mieux que l’action qu’ils possèdent actuellement (de préférence une action à la hausse). Et décident donc de faire une transaction.
Cependant, dans de nombreux cas de figure l’action a attiré l’attention du public parce qu’elle avait fait de bonnes performances auparavant et non pas à cause d’une amélioration du secteur duquel elle dépend. Suivre les tuyaux sur une action en se basant la supposition que les autres ont plus d’informations dessus, est une forme de mimétisme.
Cela ne signifie pas que les investisseurs devraient nécessairement garder les actions qu’ils possèdent. Certaines actions devraient être vendues, soit parce qu’elles les secteurs dont elles dépendent sont sur le déclin, soit parce que leur prix est trop élevé par rapport à leur valeur intrinsèque. Mais il est certain que de nombreux investisseurs (particuliers et institutionnels) agissent en leur propre défaveur en prenant trop de décisions d’achat ou de vente pour de mauvaises raisons.
Nous pourrions tous être de meilleurs investisseurs si l’on apprenait à sélectionner les actions avec attention et pour de bonnes raisons, ainsi qu’à activement faire abstraction des bruits de couloir. Le confort temporaire que l’on ressent après avoir investi en se fondant sur les mouvements de foule ou d’après les conseils d’un gourou du marché peuvent malgré tout mener à une performance très faible ou vous pousser à ne pas faire les bons investissements qui répondraient à vos objectifs.
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