Découvrez le parcours, l’expérience et le métier de Directeur général adjoint au sein d’une société de gestion. Café de la Bourse vous invite à plonger dans l’univers de la finance de marché en interrogeant les hommes et les femmes qui y travaillent au quotidien.
Ce mois-ci, Arnaud Cayla, Directeur général adjoint de Cholet Dupont AM, revient pour nous sur son activité, ce qui l’a poussé à faire ce métier, le fait le plus marquant de sa carrière, son indicateur préféré et son sentiment de marché actuel.
Quelle fonction occupez-vous ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?
Je suis actuellement directeur général adjoint de Cholet Dupont AM et gérant de fonds midcaps ainsi que de mandats institutionnels. Ayant débuté ma carrière en tant qu’analyste financier, j’attache beaucoup d’importance à la compréhension approfondie des modèles économiques des sociétés sur lesquelles nous investissons.
La gestion d’actif nécessite une ouverture d’esprit sur des sujets aussi divers que variés, à l’instar de la géopolitique, de la macro-économie, la politique, les enjeux sociétaux, et bien entendu le cœur du sujet : les entreprises. C’est très certainement la variété des thèmes à analyser, comprendre et synthétiser qui rend ce métier passionnant. Ces deux dernières années, le métier de gérant nécessitait également une analyse approfondie de la pandémie et de son évolution.
Quel est l’événement que vous considérez comme le plus marquant de votre carrière ?
Tous les krachs sont riches d’enseignements mais celui qui m’a le plus marqué est le dernier, la crise de la Covid 19, en ce sens que qu’il a été provoqué par la classe politique. 2020 restera dans les annales comme une année extraordinaire, au sens propre du terme, avec une pandémie qui a paralysé l’économie mondiale, provoquant un choc sans précédent et le déploiement pour y faire face de politiques de soutien aussi inédites qu’audacieuses, lesquelles ont permis une reprise tout aussi historique. Après la mise à l’arrêt des économies durant le premier semestre, où plus de la moitié de la population mondiale aura été confinée, et au fur à mesure de la levée des restrictions sanitaires le redémarrage de l’économie a été partout rapide et vigoureux épousant une forme en V conforme à l’abécédaire de la reprise. Au final, un an après le marché retrouvera ses niveaux d’avant crise. Cette contraction historique de l’activité, suivi d’un rebond tout aussi historique illustre le caractère totalement inédit de cette crise. Les États ont fait le choix de l’humain tout en dépensant sans compter pour sauvegarder le pouvoir d’achat et les entreprises. Afin de limiter les effets de ce choc « provoqué » avec une mise à l’arrêt volontaire des économies, les gouvernements associés aux banques centrales ont déployé des moyens considérables. Ces dépenses de soutien à l’économie ont fortement dégradé les soldes des comptes publics, engendrant ainsi une forte hausse des ratios d’endettement.
La récurrence des crises depuis mes débuts (bulle internet de 2000, crise des subprimes et faillite de Lehman en 2008, crise de la dette européenne en 2011/2012, Brexit, etc.) nous enseigne également l’humilité et la perpétuelle remise en question.
Quel est votre indicateur préféré et pourquoi ?
Si la compréhension des modèles économiques est au centre de notre processus d’investissement, la valorisation des sociétés sur lesquelles nous investissons est un élément primordial. À ce titre, chaque société est évaluée sur la base d’un modèle de valorisation de moyen terme à 2/3 ans suivant un DCF simplifié. Nous identifions un EV/EBIT théorique en fonction du taux de conversion cash, du taux de croissance à l’infini, du taux d’imposition normatif et du WACC.
Quel est votre sentiment de marché actuel ?
Le conflit en Ukraine s’installe dans la durée et les espoirs des premières négociations se sont envolés. Si la Russie semble se concentrer sur la partie Est de l’Ukraine où la résistance reste farouche, rien n’indique aujourd’hui qu’elle se contenterait d’une semi victoire dans la région. Les pays occidentaux augmentent leur aide en conséquence et les sanctions internationales continuent à se durcir. La Communauté européenne se rapproche d’un consensus pour décréter un embargo progressif sur les hydrocarbures russes mais l’unanimité requise n’est pas encore acquise. Selon les spécialistes, un tel embargo pourrait entraîner une nouvelle poussée des prix qui, ajoutée aux difficultés actuelles d’approvisionnement de l’industrie, pèserait sur le pouvoir d’achat des ménages et aggraverait le ralentissement qui se dessine.
L’activité reste encore résiliente aux États-Unis en dépit du recul surprenant du PIB au 1er trimestre qui doit être confirmé, alors que la consommation et l’investissement restent soutenus. En zone euro, les indicateurs sont un peu plus fragiles mais la reprise dans les services, consécutive à l’amélioration des conditions sanitaires, semble compenser la modération de l’activité industrielle. Cet équilibre reste précaire et très dépendant des prix de l’énergie, des évolutions en Chine et en Ukraine, ainsi que du moral des ménages et des entrepreneurs.
Contrairement à l’Europe qui est loin d’être en surchauffe, les États-Unis s’en rapprochent avec un marché de l’emploi dynamique. La hausse des salaires est plus forte mais elle reste inférieure à l’inflation et ne conduit pas à une véritable spirale prix- salaires à ce stade. En Europe, l’inflation est davantage liée à la hausse des prix des matières premières. Cette différence explique en partie la position plus agressive de la FED qui se doit de lutter contre l’inflation domestique en relevant ses taux alors qu’une politique similaire n’aurait pas d’effet en Europe selon la BCE. La remontée des taux peut donc encore attendre quelques mois ou trimestres alors qu’elle est pleinement enclenchée aux États-Unis comme dans le reste du monde.
La complexité de la situation rend difficile l’évaluation du niveau auquel la FED s’arrêtera de relever ses taux. Si elle le fait à 2,5 % (vs. 1 % actuellement) parce que l’inflation s’essouffle, elle éviterait la récession. Si ce niveau est dépassé, comme certains le craignent, le simple ralentissement attendu peut dégénérer en récession. Ce n’est pas notre hypothèse mais il faut rester vigilant et surveiller les anticipations des marchés qui pilotent les taux longs et les actions. En effet, si les indices actions ont baissé depuis le plus haut de 15 % aux États-Unis et de près de 25 % en zone euro, à ce stade ils ne reflètent que partiellement le risque de récession. Pour notre part, nous n’attendons pas de récession américaine en 2022 et ni avant mi-2023, alors que l’Europe pourrait connaître un épisode temporaire de croissance négative cette année.
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