Découvrez le parcours, l’expérience et le métier de Responsable de la gestion obligataire d’une société de gestion d’actifs. Café de la Bourse vous invite à plonger dans l’univers de la finance de marché en interrogeant les hommes et les femmes qui y travaillent au quotidien.
Ce mois-ci, Amaury d’Orsay, Responsable de la plateforme de gestion obligataire chez Amundi, revient pour nous sur son activité, ce qui l’a poussé à faire ce métier, le fait le plus marquant de sa carrière et son sentiment de marché actuel. Un décryptage utile pour investir en Bourse.
Quelle fonction occupez-vous ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?
Je suis actuellement responsable de l’investissement obligataire chez Amundi, fonction que j’occupe depuis 2021. Avant de rejoindre Amundi, j’ai fait la majeure partie de ma carrière en banque d’investissement au sein des départements de trading de Société Générale et Crédit Agricole.
Chez Amundi, nous gérons activement plus de 700 milliards d’investissements obligataires pour le compte de nos clients voulant saisir les opportunités que nous identifions sur les classes d’actifs obligataires et monétaires.
Nos clients se tournent principalement vers l’obligataire pour quatre raisons :
- obtenir un rendement avec un revenu régulier ;
- préserver leur capital ;
- diversifier leurs actifs financiers ;
- investir de manière responsable en ayant un impact sur la société.
Dans ce cadre, mon rôle consiste à organiser les différentes équipes de gestion obligataire, leur donner les moyens de réussir leur mission et définir avec elles les grandes orientations de gestion.
Nous travaillons avec tous types d’investisseurs : investisseurs particuliers, réseaux et distributeurs, fonds de pensions, banques, assureurs, banques centrales et fonds souverains. Donc nous devons nous adapter aux besoins de chacun de nos clients et leur fournir une solution d’investissement obligataire en fonction de leur appétit pour le risque, leur objectif d’investissement, l’horizon de placement et leurs contraintes d’investissement.
Pour évoluer dans ce métier, deux qualités sont à mes yeux primordiales : avoir un esprit analytique avec une grande capacité d’innovation et d’adaptabilité. Les marchés financiers sont un ensemble complexe qui regroupe une quantité d’informations gigantesque. Pour les comprendre et les appréhender, il est nécessaire d’avoir des compétences analytiques pour analyser et prendre des décisions éclairées, mais aussi un esprit ouvert et créatif afin de s’ajuster aux événements macro économiques et micro économiques, aux faits politiques, à toutes les informations qui peuvent impacter les marchés financiers. L’adaptabilité est une notion primordiale qui permettra à chacun d’évoluer dans le monde complexe des marchés financiers. Comme le disait si bien le physicien théoricien Stephen Hawking, « L’intelligence c’est la capacité de s’adapter au changement ».
Quel est l’événement que vous considérez comme le plus marquant de votre carrière ?
L’événement le plus marquant, le plus intense, le plus violent, le plus exceptionnel de ma « longue » carrière est sans aucun doute la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Jamais depuis 1929 le monde économique n’avait connu une période d’instabilité aussi importante. L’onde de choc de la faillite de Lehman Brothers fut sans précèdent : cela précipita les marchés financiers et l’économie mondiale dans une immense inconnue. Et l’humain a horreur de l’inconnu.
Entre septembre 2008 et mars 2009 (plan de sauvetage du gouvernement américain le fameux « bailout »), tous les acteurs des marchés financiers ont évolué en territoire inconnu. Pour ma part, j’étais à ce moment-là responsable de la salle de marchés Obligataires de la Société Générale, et j’ai pour la première fois de ma vie travaillé 36 heures non-stop pour analyser et essayer de comprendre l’impact de la faillite de Lehman Brothers sur nos positions.
J’ajouterais que la crise de la zone Euro et son aboutissement avec le « Whatever it takes » de Mario Draghi le 26 juillet 2012 est probablement l’événement qui aura forgé mon opinion la plus profonde : les marchés financiers sous-estiment les faits politiques et la volonté des populations. Plusieurs exemples concrets confirment cette croyance au cours de la dernière décennie (crise de la zone Euro, Brexit, élection Trump).
Quel est votre indicateur préféré et pourquoi ?
Je regarde énormément d’indicateurs financiers donc il est très difficile d’en choisir un seul. Chaque indicateur est singulier, et c’est l’ensemble des informations économiques, techniques, de valorisation, le sentiment de marché qui permet de forger une opinion sur les marchés financiers.
Si je devais en fournir un seul, pour appréhender et comprendre l’attractivité des investisseurs sur les marchés obligataires, il s’agirait du taux d’intérêt réel, c’est-à-dire le taux d’intérêt nominal moins le taux d’inflation.
C’est un indicateur important car il permet de mesurer l’appétit des investisseurs pour le marché obligataire. Lorsque le taux réel est positif, l’attrait du marché obligataire est important ; lorsque le taux réel est négatif, on constate que le marché obligataire est moins attractif.
Quel est votre sentiment de marché actuel ?
Nous appartenons au camp de ceux qui n’attendent pas une récession. Nous avons donc été positifs sur le marché du crédit. Nous restons positifs à cet égard et constatons que les entreprises gardent des bilans très sains, un coût de la dette qui reste faible, tout cela avec des baisses de taux à venir, une demande encore significative des investisseurs et un ratio entre l’offre et la demande relativement favorable aux obligations d’entreprise de bonne qualité par rapport aux emprunts d’États. Sur le plan géographique, l’Allemagne connaît un creux conjoncturel alors que l’Espagne et l’Italie sont plus dynamiques. D’un point de vue sectoriel, nous préférons les financières aux non-financières.
Sur les taux d’intérêt, notre scénario central est que les banques centrales sont dans une logique de baisse des taux parce qu’elles estiment avoir, à court terme, gagner la bataille contre l’inflation. Nous voyons les taux courts de la Banque centrale Européenne baisser jusqu’à 2 %. Le marché des taux courts est donc dans une logique de normalisation de la politique monétaire à la suite de la baisse de l’inflation.
Les taux d’intérêt longs sont eux sujets à d’autres dynamiques comme les déficits des pays développés et les perspectives à long terme de l’inflation. À cet égard, l’élection de Donald Trump aux États Unis avec des politiques potentiellement inflationnistes sur les tarifs douaniers et sur l’immigration, combinée à une économie américaine en pleine effervescence notamment dans le monde des technologies, peuvent porter les taux américains vers de nouveaux sommets. Le taux 10 ans américain peut donc remonter à court terme vers le niveau des 5 %, point haut qu’il avait touché en octobre 2023.
Cependant à long terme, nous considérons que la classe d’actif obligataire est très attractive pour les investisseurs, en particulier quand on la regarde sous l’angle des taux réels.
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