Découvrez le parcours, l’expérience et le métier de Directeur Général d’une société de gestion. Café de la Bourse vous invite à plonger dans l’univers de la finance de marché en interrogeant les hommes et les femmes qui y travaillent au quotidien.
Ce mois-ci, Alexandre Perricard, Directeur Général chez Uzès Gestion, revient pour nous sur son activité, ce qui l’a poussée à faire ce métier, le fait le plus marquant de sa carrière et son sentiment de marché actuel. Un décryptage du marché utile pour investir en Bourse.
Alexandre Perricard, quelle fonction occupez-vous ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?
J’occupe le poste de Directeur Général d’Uzès Gestion, en charge plus particulièrement de la gestion obligataire et des sujets liés à l’ISR (investissement socialement responsable).
Le métier de gérant obligataire me permet de concilier deux grands sujets de prédilection : l’étude de la macro-économie et l’analyse des fondamentaux de crédit des émetteurs.
Le premier requiert le suivi des interactions entre les grands agrégats économiques, la compréhension de l’articulation des politiques monétaires et budgétaires ainsi qu’une veille permanente sur les grands enjeux du monde contemporain. C’est une étape indispensable à la bonne lecture des marchés de taux. Le second revêt une dimension plus micro-économique et permet d’aborder toute la profondeur du marché obligataire via l’analyse crédit d’émetteurs appartenant à différents secteurs d’activité. C’est également l’opportunité de s’intéresser à la structure capitalistique des sociétés et aux caractéristiques techniques de leurs multiples émissions obligataires.
Les questions relatives à l’ISR sont par ailleurs devenues incontournables. Elles sont venues renouveler et enrichir de façon positive l’approche traditionnelle en analyse financière.
En jetant les bases de l’architecture réglementaire de la finance durable en Europe, le Pacte Vert a conduit les gérants d’actifs à se saisir pleinement des problématiques extra-financières.
Leur intégration au sein des décisions de gestion doit désormais revêtir des approches beaucoup plus structurées que par le passé. Cela passe par la bonne appropriation et mise en œuvre tant des règlements européens (Taxonomie, Sustainable Finance Disclosure Regulation…), que du cadre législatif national avec la loi énergie-climat par exemple.
Pour les équipes de gestion, cela passe par une veille permanente et des formations régulières sur tous les sujets de finance durable. La recherche de labels (ISR, Greenfin…) pour une partie des fonds que nous gérons et la pratique de l’engagement auprès des émetteurs constituent également d’excellents moyens d’assurer la cohérence, la transparence et in fine, la sincérité de notre approche responsable.
Quel est l’événement que vous considérez comme le plus marquant de votre carrière ?
Sans conteste, la faillite de la banque Lehman Brothers en septembre 2008. Au-delà de la chute d’une icône, cet événement a durablement impacté la sphère économique et financière. Ses conséquences ont participé à la déconstruction de modèles académiques perçus comme immuables en donnant une résonance nouvelle à la fonction de réaction des banques centrales. En effet, l’amplitude du choc fut telle qu’elle obligea les banques centrales à intervenir rapidement et massivement en vue de juguler tout risque systémique.
Au cours des quatorze années qui ont suivi, la taille de leurs bilans n’a cessé de croître pour atteindre des niveaux stratosphériques introduisant un fort biais sur la valorisation des actifs. Plus que jamais, les banques centrales sont apparues comme le dernier rempart contre les chocs extrêmes. On se souvient de Ben Bernanke à la tête de la FED, luttant contre la crise des subprimes à grands coups de quantitative easing aux commandes de l’« helicopter money »… En Europe, l’intervention de Mario Draghi alors président de la BCE, en vue de « sauver » la monnaie unique, est restée dans les annales. Et que dire de la récente période de taux d’intérêt à zéro, voire négatifs, en réponse à la pandémie de Covid ?
Tous ces événements n’ont cessé de renforcer le rôle des banques centrales tout en créant de fortes distorsions entre économie réelle et sphère financière, toujours plus complexes à corriger.
Quel est votre indicateur préféré et pourquoi ?
Il est délicat de ne cibler qu’un seul indicateur tant notre métier nous invite à toujours tenter d’anticiper les interactions entre différents facteurs clés. Néanmoins, je suis toujours attentif à l’évolution des taux souverains et en particulier au rendement des bons du Trésor américain à 10 ans et à la pente avec les taux courts. La déformation des courbes de taux nous éclaire sur la perception du marché vis-à-vis de l’impact des politiques monétaires sur l’économie.
Elle permet au gérant obligataire d’adapter le positionnement de ses fonds en termes de duration et de piloter leur sensibilité à l’évolution des taux d’intérêt.
Je suis également en permanence le comportement des indices synthétiques de crédit comme le Xover, baromètre de l’appétit ou de l’aversion des investisseurs pour le risque de crédit.
Au plan macro-économique, j’accorde une importance particulière aux indicateurs avancés comme les indices des directeurs d’achat (PMI et ISM), dans les services et le manufacturier. Le suivi des données d’inflation ainsi que l’évolution du marché du travail aux États-Unis constituent également des points d’attention constants.
Au plan micro-économique, les conditions de financement des entreprises, les ratios de crédit et le taux de défaut des émetteurs sont des indicateurs suivis de façon régulière.
Quel est votre sentiment de marché actuel ?
En tant que gérant obligataire, j’ai une vision résolument positive des marchés obligataires avec une nette préférence pour les obligations d’entreprise dont le couple rendement/risque demeure attractif. L’instabilité géopolitique actuelle et les signaux parfois divergents sur l’état de santé des économies sont source de volatilité et, par conséquent, de nouvelles opportunités.
La configuration actuelle des courbes de taux, le niveau des spreads de crédits et notre scénario économique à horizon six mois nous incitent à privilégier les obligations de qualité Investment Grade à duration moyenne. Nous favorisons également les émetteurs à haut rendement de notation BB ainsi que les émissions subordonnées du secteur financier.
Le marché monétaire présente toujours une courbe inversée avec des rendements à 1 mois supérieurs à ceux à 1 an. Par conséquent et malgré l’érosion de la rémunération des placements courts liée à la baisse des taux directeurs initiée par la BCE en juin dernier, le marché des billets de trésorerie nous paraît receler encore une certaine attractivité.
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